Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/586

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rendre capables de recevoir ses biens infinis. « Nos pères nous ont châtiés pour cette vie éphémère seulement et pour leur bon plaisir : mais Dieu nous châtie autant qu’il est utile, pour nous rendre capables de participer à sa sainteté ». Qu’est-ce que cette sainteté ? C’est la pureté de cœur ; qui selon nos forces nous rendra dignes de Lui. Lui-même désire vous la faire accepter, et fait tout pour vous la donner : et vous n’auriez, vous, aucun zèle pour la recevoir ? « J’ai dit au Seigneur », chantait le Prophète, « vous êtes mon Dieu, parce que vous n’avez aucun besoin de mes biens ». (Ps. 15,2)
Puis, dit l’apôtre, nous avons eu dans nos pères selon la chair des maîtres sages et fermes, et nous les avons respectés : combien plus devons-nous, pour trouver la vie, obéir au Père des esprits, c’est-à-dire au Père des grâces, de la prière, des puissances immatérielles ! Si nous mourons sous cet empire de l’obéissance, alors nous vivrons. Et saint Paul remarque avec raison que nos parents ne nous ont formés que pour une vie éphémère et selon leur bon plaisir. Ici, le bon plaisir et l’utile ne se rencontrent pas toujours : tandis que l’utile est nécessairement dans la pensée de Dieu.
3. Ainsi l’éducation par la souffrance est dans notre intérêt ; ainsi nous fait-elle entrer en participation de la sainteté. C’est le grand moyen par excellence. En effet, quand la souffrance exclut toute lâcheté, toute convoitise mauvaise, tout amour de ces choses qui nous enchaînent à la vie présente ; quand elle nous change le cœur, jusqu’à nous donner la force de réprouver toutes les vanités de ce monde, et tel est l’effet des souffrances, n’est-il pas vrai que la douleur alors est sainte, et qu’elle arrache au ciel toutes ses grâces ? Rappelons-nous plutôt et toujours l’exemple des saints et le côté par lequel tous ont brillé. Au premier rang, Abel, Noé n’ont-ils pas été illustres par la douleur ? Comment celui-ci n’aurait-il pas souffert en se voyant seul au milieu de cette innombrable multitude de pécheurs ? Car, l’Écriture le dit : « Noé étant seul parfait dans son siècle, plut à Dieu ». (Gen. 6,9) Réfléchissez, en effet, je vous prie, et dites : Si, trouvant aujourd’hui par milliers et des pères et des maîtres, dont la vertu nous sert d’exhortation et d’exemple, nous sommes toutefois désolés à ce point, combien a dû être affligé ce juste isolé dans cette masse immense de perdition ? – Mais comme j’ai parlé déjà de ce déluge étrange et incroyable, ne dois-je pas plutôt vous raconter Abraham et ses fréquents pèlerinages, et le rapt de son épouse, et ses dangers, et ses guerres, et ses tentations ? Ou bien encore et tous les maux terribles qu’il a soufferts, banni de tout pays, travaillant en vain, et dépensant pour d’autres tous ses labeurs ? Non, il n’est pas besoin de dénombrer toutes ses épreuves ; mais son témoignage s’offre de lui-même à l’appui de nos raisonnements ; puisqu’il disait à Pharaon : « Mes jours sont courts et mauvais ; ils n’ont pas atteint en nombre ceux de mes pères ». (Gen. 47,9) – Faut-il plutôt vous citer Joseph, ou Moïse, ou Josué ou David, ou Samuel, Élie, Daniel, tous les prophètes ? Vous les verrez tous s’illustrant par les souffrances : et vous, dites-moi, voulez-vous chercher la gloire dans le loisir, le repos, les plaisirs ? C’est chercher l’impossible.
Maintenant, vous parlerai-je des apôtres ? Mais eux aussi ont surpassé par les souffrances tous leurs devanciers. Pourquoi traiterais-je ce sujet, déjà traité par Jésus-Christ ? « Vous aurez », leur disait-il, « l’affliction en ce monde ». Et ailleurs « Vous pleurerez et vous gémirez, tandis que le monde se réjouira ». (Jn. 16,33 ; Mt. 7,74) La voie qui conduit à la vie est étroite et rude, c’est le Maître de la voie lui-même qui le déclare ; et toi, chrétien, tu cherches la voie large ? N’est-ce pas absurde ? Aussi, par cette route différente tu trouveras non la vie, mais la mort ! Toi-même as fait choix du chemin qui doit y conduire.
Mais préférez-vous que je vous cite, que j’énumère devant vous tant de pécheurs qui ont passé leur vie dans les délices ? Remontons des plus rapprochés de nous, jusqu’aux plus anciens. Expliquez-moi la perte du mauvais riche plongé dans son abîme de feu ; la perte des juifs qui vécurent pour le ventre dont ils faisaient leur Dieu, ne cherchant au désert même que loisir et repos ; la perte des hommes encore de l’époque de Noé. N’ont-ils, pas péri pour avoir choisi une vie de bonne chère et de dissolution ? Ceux de, Sodome ne furent-ils pas victimes de leur gourmandise ? « Ils se jouaient », dit l’Écriture, « dans l’abondance de leur pain ». (Ez. 16,49) Que si l’abondance du pain amena une telle catastrophe, que dirons-nous de tant d’autres inventions de la friandise et de la bonne chère ? – Esaü ne vivait-il pas dans le loisir et la fainéantise ? N’était-ce pas le crime aussi de ces enfants de Dieu qui admirèrent la beauté des femmes et coururent ainsi aux précipices de l’enfer ? N’était-ce pas la vie de ceux qui se livrèrent à des passions folles et furieuses contre nature ? Et tous ces rois païens de Babylone ou d Égypte n’ont-ils pas tristement fini ? Ne sont-ils pas dans les supplices ?
Or, dites-moi, nos mœurs d’aujourd’hui sont-elles donc différentes ? Écoutez la parole de Jésus-Christ : « Ceux qui se couvrent de vêtements somptueux, sont dans les palais des rois » (Mt. 11,8) ; et ceux qui ne s’habillent point ainsi, sont dans les cieux. Un vêtement de mollesse amollit, brise, corrompt un cœur même austère ; quand bien même il couvrirait un corps rude et sauvage, il l’aurait bientôt énervé et affaibli sous son tissu voluptueux. Quelle autre cause que celle-là, dites-moi, amollit ainsi les femmes ? Serait-ce leur sexe seulement ? Non, mais bien leur manière de vivre et leur éducation. Cette façon de les élever à l’ombre, ces loisirs, ces bains, ces onctions, ces parfums de tout genre, ces lits mollets et délicats, font une femme ce que vous voyez ! Et pour vous en convaincre, écoutez une comparaison Dans quelque oasis du désert, parmi les arbres battus des vents, prenez-moi un rejeton quelconque, et transplantez-le dans un lieu humide et ombragé, vous le verrez bientôt indigne du lieu où il a pris naissance. Que ce fait se vérifie chez nous, les femmes des champs en sont la preuve : plus vigoureuses même que les hommes des villes, on