Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/66

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même pour très peu de temps ; tout comme il dit aux Philippiens : J’ai l’espoir de vous envoyer bientôt Timothée pour savoir où vous en êtes. De part et d’autre, il montre même souci, très inquiet de ses néophytes. Car, lorsqu’il ne pouvait les voir en personne, il leur envoyait ses disciples : tant il ne pouvait se résigner à ignorer leurs affaires, même pendant un court laps de temps.
Paul, en effet, ne savait pas tout par révélation de l’Esprit ; et il valait mieux qu’il ignorât de cette manière, puisque si ses néophytes avaient pu croire qu’il eût cette omniscience, ils auraient péché par dépit et impudence ; tandis que s’échappant à des fautes qu’ils croyaient être cachées, ils s’en corrigeaient plus facilement.
C’est aussi pour redoubler leur vigilance qu’il leur écrit : « Afin que moi aussi je sois consolé » ; il réveille leur ferveur et leur bonne volonté, en leur faisant entendre, que, quand bien même Timothée n’irait point chez eux, Paul saurait bien trouver un autre envoyé qui lui apprendrait leur conduite. Il se sert évidemment d’un moyen semblable, quand il diffère son voyage chez les Corinthiens, à l’effet de les convertir, disant : « C’est pour vous épargner que je ne suis pas encore venu chez vous ». La charité de l’apôtre se manifeste, non seulement en leur annonçant ce qui lui arrive, mais aussi en témoignant qu’il veut savoir où eux-mêmes en sont actuellement. Voilà bien le fait d’une âme inquiète, ardente, et qui ne peut calmer sa vive sollicitude. – Mais, en même temps, il les comble d’honneur en leur envoyant Timothée. Que dites-vous, en effet ? ô grand saint ! Vous envoyez Timothée ? Pourquoi ? Vous me répondez : « Je n’ai personne qui soit autant avec moi d’esprit et de cœur, ni qui se porte plus sincèrement à prendre soin de ce qui vous touche… » N’avait-il donc personne qui eût le même cœur, le même amour que lui, Paul ? Non, personne que Timothée. Qu’est-ce à dire ? C’est-à-dire aucun excepté lui qui, autant que moi, vous porte intérêt et sollicitude. Car il est difficile de trouver un ami capable de faire tant de chemin uniquement pour cette raison. Un seul vous aime autant que moi, c’est Timothée. J’en aurais trouvé d’autres pour cette mission ; mais personne n’a son cœur. Ainsi, cette « unanimité » avec l’apôtre, signifie un amour aussi grand que le sien pour ses néophytes… Lui, vous aime d’un amour « sincère », c’est-à-dire d’un amour paternel.
« Car tous cherchent leurs intérêts propres, et non ceux de Jésus-Christ… » c’est-à-dire, leur plaisir, leur sécurité, comme il l’écrivait aussi à Timothée. Mais pourquoi ces plaintes ici ? Il veut nous apprendre, par cette leçon, à ne pas tomber dans de pareils errements ; il veut que tous ceux qui l’entendent ne cherchent ni leur satisfaction, ni leur tranquillité. – Car celui qui cherche son propre bonheur, poursuit, non les intérêts de Jésus-Christ, mais les siens propres ; pour lui nous devons être prêts à subir tous les travaux, toutes les souffrances.
« Jugez de lui par l’épreuve que j’en ai faite, puisqu’il a servi avec moi dans la prédication de l’Évangile, comme un fils avec son père ». – Vous avez la preuve que je ne le loue pas à l’aventure ; vous savez vous-mêmes qu’il m’a aidé dans la prédication de l’Évangile, comme un fils, son père. Paul fait ici à bon droit l’éloge de Timothée, puisqu’il veut qu’on le reçoive en tout honneur. La même raison lui dicte ces paroles aux Corinthiens : « Que personne ne le méprise, car il fait autant que moi l’œuvre de Dieu » (1Cor. 16,10) ; recommandation qui est beaucoup moins utile à l’envoyé qu’à ceux qui le reçoivent ; car ce sont eux qui seront récompensés magnifiquement en lui faisant accueil.
« J’espère donc vous l’envoyer, aussitôt que j’aurai mis ordre à ce qui me regarde », aussitôt que je saurai l’état de mes affaires et que je pourrai en pressentir l’issue, le résultat. « Et je me promets aussi de la bonté du Seigneur, que j’irai moi-même vous voir bientôt ». Si je vous l’envoie, ce n’est pas que je ne doive plus venir moi-même, mais c’est pour me rassurer en apprenant où en sont vos affaires, et pour ne pas rester, en attendant, sans nouvelle aucune. Je me promets d’aller vous voir, grâce à Dieu, si c’est sa volonté. Vous voyez qu’en tout et toujours, il se soumet à Dieu, et ne prononce rien d’après son propre esprit.
2. « Cependant j’ai cru nécessaire de vous renvoyer mon frère Epaphrodite, l’aide de mon ministère, le compagnon de mes combats… » L’apôtre l’envoie donc, avec les mêmes éloges qu’il donnait à Timothée. Celui-ci obtenait, en effet, deux titres de recommandation son amour pour les Philippiens, que saint Paul attestait en disant que Timothée