Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/82

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accouru vers une justice meilleure, parce que l’ancienne n’était rien à côté de celle-ci, combien plus les gentils, placés en dehors de toute justice, devront-ils saisir celle que Paul a préférée ! Je ne veux plus de « ma » justice, dit à bon droit l’apôtre, de celle que j’avais acquise par mes travaux et mes sueurs ; je veux celle que j’ai trouvée par la grâce. Si donc, après avoir rempli les devoirs de la vertu, Paul ne trouve son salut que dans la grâce, combien plus, ô Philippiens, ne l’aurez-vous que là ! Il est probable que parmi eux on aurait trouvé préférable la justice due à nos travaux personnels ; aussi Paul démontre que celle-ci, auprès de l’autre, n’est que de la vile paille. Autrement, moi-même qui avais sué pour l’acquérir, je ne l’aurais pas rejetée pour embrasser celle qui lui succède.

Mais quelle est donc enfin cette justice ? Celle qui vient « de Dieu par la foi » ; cette justice est de Dieu ; Dieu même est l’auteur de cette justice ; elle est par excellence un don de Dieu. Or les dons de Dieu laissent bien derrière eux la vileté de nos bonnes œuvres, de celles qui sont les fruits de nos simples efforts.

Que veut dire maintenant : « Dans la foi, afin de connaître Jésus-Christ ? » C’est que toute connaissance divine vient de la foi ; sans la foi, impossible de connaître Jésus ; et pourquoi ? C’est qu’elle seule nous apprend « la vertu de sa résurrection ». En effet, quel raisonnement nous démontrera jamais la résurrection ? Aucun, mais la foi seule. Et si la résurrection de Jésus-Christ ne nous est connue que par la foi, comment la génération humaine du Dieu-Verbe pourra-t-elle être saisie par notre simple logique ? Car la résurrection est un fait moindre que cette génération. En quel sens ? C’est que l’on a vu plusieurs exemples de l’une, aucun de l’autre. Plusieurs morts ont ressuscité avant Jésus-Christ ; bien que ressuscités, ils durent de nouveau subir la mort. Mais nul homme jamais ne naquit d’une vierge. Et si la résurrection de Jésus-Christ, qui sort de l’ordre commun bien moins que sa naissance, ne peut être cependant saisie que par la foi, comment pourrons-nous atteindre par nos raisonnements sa génération divine, dogme bien autrement grand et pour mieux dire hors de toute comparaison ? Voilà pourtant la justice nouvelle ; il a fallu croire que ses mystères sont possibles, sans qu’on puisse montrer jamais comment ils sont possibles.

C’est encore l’œuvre de la foi de nous faire accepter « une participation aux souffrances de Jésus-Christ ». Si nous ne croyons pas, nous ne voudrons pas souffrir ; non, si nous n’avons pas la foi qu’en souffrant avec lui, avec lui aussi nous régnerons, aucune considération ne nous décidera jamais à subir tarit de peines. Il faut que la foi nous ait appris d’abord et sa naissance et sa résurrection. Mais aussi, vous le voyez ; on exige de nous non pas une foi nue et morte, mais unie aux bonnes œuvres. On reconnaît, en effet, qu’un chrétien croit à la résurrection d’après son courage à s’exposer comme Jésus-Christ aux périls, à partager avec lui ses douleurs. Ainsi devient-il l’associé de ce Dieu ressuscité, de ce Dieu à jamais vivant. Aussi saint Paul disait-il : « Puissé-je être trouvé en Jésus-Christ, n’ayant point la justice qui me soit venue de la loi, mais ayant celle qui naît de la foi en Jésus-Christ ; cette justice qui vient de Dieu par la foi ; afin que je connaisse Jésus-Christ avec la vertu de sa résurrection et la participation de ses souffrances, étant rendu conforme à sa mort, pour tâcher de parvenir enfin à la bienheureuse résurrection des morts ».

Reprenons. Saint Paul a dit : « Étant rendu conforme à sa mort », ou, comme il écrit ailleurs : « J’accomplis dans ma chair ce qui reste à souffrir à Jésus-Christ ». (Col. 1,24) Conforme à la mort, c’est participant à la mort. Comme mon Maître a été maltraité des hommes, ainsi je le serai, je lui deviendrai conforme ; les vexations, les calamités reproduiront en moi une certaine image de sa mort. Il ne cherchait pas, en effet, son propre bonheur, mais notre salut. Donc aussi vexations, misères, angoisses, non seulement ne doivent pas nous troubler, mais plutôt nous combler de joie, puisqu’elles nous rendent conformes à sa mort. On ne peut mieux dire qu’ainsi nous sommes façonnés à sa ressemblance, « portant partout dans notre chair », comme il l’écrit ailleurs, la mort de Jésus-Christ ». (2Co. 4,10)

La foi seule fait ces miracles. Nous croyons, par de tels sacrifices, non plus seulement que Jésus est ressuscité, mais qu’après sa résurrection même il possède une puissance infinie. Aussi embrassons-nous la voie qu’il a suivie,