Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/489

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annoncer un peu à l’avance le sujet sur lequel je parlerai, afin que, en attendant, vous preniez la Bible, vous jetiez un coup d’œil d’ensemble sur la matière à traiter, et que, vous étant rendu compte de ce qui a été dit déjà et de ce qui est encore à dire, vous apportiez à l’audition de tout le reste une intelligence prompte et facile.
Et certes, voici ce que je vous conseille, ce que je ne cesserai pas de vous conseiller, à savoir, que vous ne vous borniez pas à écouter ce qu’on vous dit ici, mais que, rentrés à la maison, vous vaquiez assidûment à la lecture des divines Écritures. Je n’ai jamais manqué d’inculquer cette habitude à tous ceux qui ont eu avec moi des rapports particuliers. Et qu’on ne m’apporte pas d’insipides et blâmables excuses : « Je suis cloué au tribunal, je manie les affaires publiques, j’ai une femme, j’élève des enfants, j’ai le souci d’un train de maison, je suis homme du monde : lire les saintes Écritures ! ce n’est pas mon affaire ; cela regarde les personnes qui ont dit adieu au monde, qui se sont retirées au sommet des montagnes pour y mener une vie de perpétuelle tranquillité !… » Que dites-vous là, mon cher ? Ce n’est pas votre affaire, parce que vous êtes tiraillé par mille sollicitudes ! Mais c’est votre affaire bien plus que celle des solitaires : ceux-ci n’ont pas besoin du secours des saintes Écritures comme vous, qui êtes enveloppé par le tourbillon des soucis temporels. Les moines, débarrassés du forum et de ses agitations, les moines, qui ont fixé leur tente au désert et renoncé au commerce des autres hommes, les moines, qui consacrent à la méditation leur vie libre, sereine et tranquille, les moines, parvenus en quelque sorte au port de la vie, sont en possession d’un état pleinement assuré ; mais nous, ballottés par les flots de la pleine mer, entravés bon gré mal gré par d’innombrables péchés, nous avons besoin de chercher dans les Écritures un secours incessant. Ceux-là, paisiblement assis loin du combat, ne sont pas exposés à de nombreuses blessures ; mais vous, qui – êtes toujours debout dans la mêlée, vous qui recevez à toute heure des coups et des plaies, vous ne pouvez vous passer d’un remède : c’est une épouse qui vous impatiente, c’est un fils qui vous contriste et vous pousse à la colère, c’est un ennemi qui vous tend des pièges, c’est un ami qui vous jalouse, c’est un voisin qui vous persécute, c’est un camarade qui vous supplante, c’est souvent un juge qui vous menace, c’est la pauvreté qui vous moleste, c’est la perte de vos gens qui vous chagrine, c’est la prospérité qui vous enfle, c’est l’adversité qui vous opprime : que sais-je, enfin ? mille et mille maux, l’irritation et les inquiétudes, et l’anxiété et la douleur, et la vanité et l’orgueil, tantôt par occasion et tantôt par nécessité nous assiègent de toutes parts ; d’innombrables traits volent autour de nous : il y a donc pour nous besoin urgent et continuel de recourir à l’arsenal des Écritures. Sachez, nous dit-on, sachez que vous marchez au travers des embuscades ennemies, que vous vous promenez ci découvert sur le rempart d’une ville assiégée. (Sir. 9, 20) Les convoitises de la chair s’insurgent avec plus de violence contre ceux qui vivent dans le commerce des hommes : un visage agréable, un beau corps les captivent par les yeux ; une parole libertine pénètre en eux par l’ouïe et trouble leur raison ; souvent aussi un chant modulé avec art énerve la vigueur de leur âme : que dis-je ! nous voyons parfois quelque chose de plus vil que tout cela : l’odeur des parfums qu’exhalent en passant les courtisanes surprend, entraîne, captive : une rencontre a suffi !
2. Si nombreux sont les ennemis qui livrent assaut à notre âme, que nous devons chercher un remède divin afin de guérir les plaies qui nous sont déjà faites, afin de prévenir celles qui ne sont pas faites encore, mais sur le point de l’être. c’est par une lecture assidue des saintes Écritures que nous éteindrons et que nous repousserons les traits enflammés que le démon nous lance de loin. Il est impossible, oui, impossible qu’un homme, quel qu’il soit, arrive au salut, s’il ne s’applique pas assidûment à cette lecture ; bien plus, il sera fort heureux pour nous, si, même avec cette application persévérante, nous pouvons un jour être sauvés ! Quel espoir de salut aurez-vous donc, vous qui, atteint chaque jour de blessures nouvelles, ne recourez jamais au remède ? Voyez les gens qui travaillent l’airain, l’or, l’argent, tous ceux enfin qui exercent un métier quelconque : ne tiennent-ils pas tous leurs outils parfaitement ajustés ? Accablés par la faim, pressés par la misère, ils préfèrent tout souffrir plutôt que d’en vendre un seul pour vivre. Aussi arrive-t-il fréquemment qu’un certain nombre d’entre eux