Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/534

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au supplice qui doit nous être infligé. Ces paroles du Sauveur ont-elles été écrites simplement pour que nous les lisions sans attention ? La grâce du Saint-Esprit a pris soin que les paroles du Seigneur fussent mises par écrit, afin qu’y puisant des remèdes préservatifs contre nos passions, nous puissions échapper au châtiment qui nous menace. C’est pourquoi Notre-Seigneur Jésus-Christ appliquant alors les remèdes réclamés par les blessures, faisait cette exhortation : Entrez par la porte étroite, l’appelant étroite non pas qu’elle le soit réellement, mais parce que notre esprit enclin à la paresse se figure qu’elle est étroite. Il lui donne le nom d’étroite non pour nous faire reculer, mais pour que, fuyant la largeur dé l’autre et appréciant l’une et l’autre par leur terme, nous choisissions celle-là de préférence.
3. Mais afin que mes paroles deviennent accessibles à tous, voyons, si vous le jugez à propos, produisons devant vous ceux qui sont entrés par la porte large et ont suivi la voie spacieuse, et considérons à quel terme ils ont abouti ; puis ceux qui sont entrés par la porte étroite et la voie resserrée, et apprenons quels biens ils ont obtenus. Plaçant donc devant vos yeux l’un de ceux qui sont entrés par la porte large et un de ceux qui se sont engagés dans la porte étroite et la voie resserrée, montrons la vérité des paroles du Seigneur en nous servant de nouveau de la même parabole de Jésus-Christ. Quel est donc celui qui entra par la porte large et suivit la voie spacieuse ? Car il convient d’indiquer d’abord quel est cet homme, et quel espace il a parcouru en suivant la voie large, puis de vous faire voir clairement ensuite à quel terme il a abouti. Je sais bien qu’étant intelligents comme vous l’êtes vous comprenez déjà ce que je vais vous dire ; néanmoins il est nécessaire que nous le disions. Rappelez-vous ce riche qui se revêtait tous les jours de pourpre et de byssus ; qui se nourrissait splendidement, qui entretenait des parasites et des flatteurs, qui se faisait verser des flots de vin pur, qui chaque jour mangeait jusqu’à satiété, qui nageait dans les délices, qui était entré par la porte large, qui se livrait continuellement à la volupté et à une joie mondaine. Tous les biens coulaient sur lui comme de source : un nombreux train de domestiques, toutes les délices imaginables, la santé du corps, l’abondance des richesses, la considération publique, les acclamations des flatteurs, et il n’avait aucune cause de chagrin. Bien plus, il passait tout le jour dans de prodigieux excès de vin et de table ; il jouissait de la santé du corps et d’une sécurité parfaite que rien ne troublait, pas même la pitié lorsqu’il passait à côté du pauvre Lazare, couché à sa porte, couvert d’ulcères, entouré et léché par les chiens, et dévoré par la faim, et à qui il ne donnait pas même ses miettes. Entré par la porte large, il suivait la voie spacieuse, celle des plaisirs, celle du libertinage, celle des ris, celle de l’oisiveté, celle de la bonne chère, celle de l’ivrognerie, de l’abondance des richesses, de la mollesse dans les vêtements. Pendant longtemps, tout le temps de la vie présente, il suivit la voie spacieuse, n’éprouvant rien de fâcheux, mais toujours porté par un vent favorable, et suivant toujours la voie large, il poursuivait sa route avec une grande sécurité. Jamais d’écueils, jamais de précipices, jamais de récifs cachés sous les eaux, jamais de naufrages, jamais de changements fâcheux, mais voyageant continuellement sur un terrain solide et parfaitement uni, il parcourut ainsi la vie présente, submergé chaque jour par les flots de la méchanceté et ne s’en apercevant pas ; déchiré chaque jour par les mauvaises passions, et y trouvant du plaisir ; continuellement obsédé par la luxure, parla gourmandise, par l’amour excessif des richesses, et ne sentant aucunement son malheur ; sans se mettre en peine de prévoir le terme auquel aboutit sa voie, il jouissait uniquement des plaisirs du présent, il ne pensait nullement aux souffrances sans fin, et séduit, pour ainsi dire, il suivait la voie spacieuse, se hâtant d’arriver à l’abîme sans qu’il pût s’en apercevoir, à cause de sa profonde ivresse. La prospérité dans toutes les affaires mondaines avait étouffé sa raison et voilé l’œil de son esprit, et comme s’il eût été désormais privé de la vue, il marchait sans savoir où il allait : peut-être même ne songeait-il plus à la nature humaine en voyant qu’il ne rencontrait aucune difficulté. En effet, il goûtait toutes les douceurs de la vie, il était même dans l’opulence ; non-seulement il était dans l’opulence, mais il jouissait encore de la santé du corps ; non-seulement il jouissait de la santé corporelle, mais il était servi par une foule de domestiques ; non-seulement il avait une suite nombreuse de domestiques, mais il voyait tous les biens couler sur lui comme de source, et il passait sa vie dans des plaisirs sans interruption.