les amener peu à peu à souiller leurs mains par le carnage, exigeaient constamment d’eux ce genre de sacrifices. Dieu au contraire désirant leur faire perdre peu à peu l’habitude d’immoler les animaux a cru y arriver par cette condescendance, et il leur a permis les sacrifices pour les supprimer un jour. « Je n’accepterai point les veaux de la maison, ni les boucs de tes troupeaux (9). Car toutes les bêtes des forêts sont à moi, et celles de la montagne, et les bœufs (10). Je connais tous les oiseaux du ciel, et ce qui fait la beauté des champs m’appartient (11). »
Voyez-vous comme peu à peu il les écarte de ces préoccupations grossières, comme il entr’ouvre l’enveloppe durcie où leur esprit s’est enfermé, et comme il leur montre que s’il leur a enjoint de lui offrir des sacrifices, ce n’est pas qu’il en eût besoin, et que s’il ratifie cet usage dans la loi qu’il leur a donnée, ce n’est pas qu’il l’approuve. Si je tenais à être adoré, de la sorte, dit-il, moi qui possède tout ce qui est sous le soleil, et qui suis le Créateur de toutes choses, je pourrais me procurer d’abondants sacrifices. Ensuite mêlant l’ironie au reproche afin de les frapper davantage, il ajoute : « Si j’avais faim je n’irais pas te le dire, car toute la terre est à moi avec ce qu’elle renferme (12). » Comme il ne leur avait fait cette concession que pour les amener peu à peu à laisser tomber ces sacrifices en désuétude, et qu’ils ont persisté à suivre cette déplorable coutume sans tirer aucun profit de sa condescendance, il leur parle en termes plus vulgaires comme ferait un homme s’entretenant avec un autre homme : « Si j’avais faim, je n’irais pas te le dire », c’est-à-dire, je n’ai pas faim (car Dieu ne peut connaître ni la faim, ni aucun besoin physique), et si je voulais d’un culte semblable, je ne serais pas embarrassé en fait de sacrifices et d’holocaustes. J’ai tout à ma disposition, et je puis en user largement. Je suis le Seigneur et Maître de toutes choses, et cependant je veux bien recevoir de toi ce qui m’appartient, afin de t’amener par ce moyen à m’aimer et à renoncer à ces vaines habitudes.
5. Puis ramenant l’homme à des sentiments plus élevés il dit : « Mangerai-je la chair des taureaux, ou boirai-je le sang des boucs (13) ? » « non seulement, dit-il, je n’ai pas prescrit aux hommes une pareille coutume, mais même j’ai prononcé de très-forts châtiments contre ceux qui se nourrissent de sang. Comment donc aurais-je besoin du sang versé, moi qui détourne mes esclaves de cette nourriture ! – Après avoir rejeté tout cela, et montré que c’était indigne de lui, et mêlé beaucoup d’ironie à ses reproches, il ne s’en est point tenu là, il leur indique un autre genre de sacrifice. C’est là le fait d’un très-habile médecin, qui non content d’écarter les remèdes inutiles, applique sur la plaie ceux qui peuvent être efficaces. Après avoir réglé ce point-là, il dit : « Offre à Dieu un sacrifice (14). » Et quel sacrifice ? dira-t-on. – Un sacrifice non sanglant : c’est le sacrifice qui convient le mieux à Dieu. Aussi, après ces mots, « offre à Dieu un sacrifice », ajoute-t-il « un sacrifice de louanges », c’est-à-dire un sacrifice d’actions de grâces, d’hymnes sacrés, de glorifications par les actes. Son langage revient à ceci : Vis de manière à glorifier ton maître. C’est aussi ce que le Christ nous enseignait par ces paroles : « Que votre lumière luise devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. » (Mt. 5,16) Louer quelqu’un n’est pas autre chose que faire son éloge, le glorifier et le célébrer. Que votre vie soit donc telle que votre maître en soit glorifié, et vous aurez offert un sacrifice parfait. C’est aussi le sacrifice qu’exige saint Paul : « Offrez à Dieu vos corps », dit-il, « comme une hostie vivante, sainte et agréable à ses yeux. » (Rom. 12,1) Ailleurs le même Psalmiste s’exprime en ces termes : « Je célébrerai le Seigneur dans mes cantiques, je le glorifierai dans mes louanges : ce sacrifice sera plus agréable au Seigneur que l’immolation des jeunes taureaux dont la corne commence à paraître et dont le sabot s’élargit. » (Ps. 68,31, 32)
Voilà le sacrifice offert par Job quand après le coup terrible et extraordinaire qui l’avait frappé, il rendait des actions de grâces au Seigneur et prononçait ces paroles : « Le Seigneur a donné, le Seigneur a retiré : comme il a plu au Seigneur, ainsi il a été fait : que le nom du Seigneur soit béni dans les siècles. « Et offre au très-Haut les prières que tu lui dois. » (Job. 1,21) Il parle ici des supplications, et nous conseille de prier sans relâche, et de nous empresser de tenir nos engagements. Et il a eu raison de dire : « Offre ce que tu dois. » Car après avoir promis il ne
Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/102
Apparence
Cette page n’a pas encore été corrigée