trouver qui puisse le consoler, pas plus que ceux qui grincent des dents. – « Dieu a dit au pécheur : pourquoi te mêles-tu de publier mes décrets ? »
Avez-vous remarqué la suite et l’accord des pensées ? Ne dirait-on pas une lyre, une cithare très-bien faite et qui habilement maniée produit différents sons qui forment un accord parfait ? Cette pensée, on peut la retrouver chez les apôtres et chez les autres prophètes. C’est aussi ce que dit saint Paul quand il démontre qu’il ne sert de rien d’instruire les autres, quand on n’a pas commencé par s’instruire le premier. Comme les Juifs, outre qu’ils tiraient vanité de leurs sacrifices, étaient fiers de leur loi, et de leur titre d’instituteurs des nations, il leur prouvait qu’ils ne gagnaient pas grand-chose à tout cela, puisqu’ils ne s’instruisaient pas eux-mêmes, et il les attaquait très-vivement en ces termes : « Et cependant vous qui instruisez les autres, vous ne vous instruisez pas vous-mêmes. Vous qui publiez qu’on ne doit point voler, vous volez. Vous qui avez en horreur les idoles, vous faites des sacrilèges. Vous qui vous glorifiez dans la foi, vous déshonorez Dieu par le violement de la loi. » (Rom. 2,21-23) Aussi dit-il ailleurs en parlant de lui-même : « Je crains qu’après avoir prêché aux autres je ne sois réprouvé moi-même. » (1Cor. 9,27) Voilà comme il rabat l’orgueil de ceux qui sont fiers d’instruire les autres, et qui eux-mêmes ne pratiquent pas la vertu. C’est le même raisonnement, présenté sous une autre forme, qu’il emploie contre les Juifs quand il dit : « Lors donc que les Gentils qui n’ont point la loi, font naturellement les choses que la loi commande ; n’ayant point la loi, ils se tiennent à eux-mêmes lieu de loi. » (Rom. 2,14) Et, plus haut. « Car ce ne sont point ceux qui écoutent la loi qui sont justes devant Dieu ; mais ce sont ceux qui gardent la loi qui seront justifiés. » (Id. 5,43) Le Prophète dit aussi : « Ceux qui tenaient la loi dans leurs mains ne m’ont pas connu. » (Jer. 2,8) Et ailleurs. « La main menteuse des scribes a gravé le mensonge. » (Id. 7,8) Et pourquoi ? – « Parce que la tourterelle et l’hirondelle et le moineau des champs ont connu le temps de leur passage, et que mon peuple n’a point connu mes jugements. » (Id. 7) Or celui qui parle ainsi déclare que, non seulement celui qui ne recherche pas la vertu, ne gagne rien à enseigner les autres, mais qu’il se rend par cela même indigne de ces nobles fonctions. Si dans les tribunaux du monde on punit et on flétrit celui qui a mal agi en le privant de la parole, comment permettre à celui qui aura à rendre compte de ses péchés de prendre la parole dans l’enceinte où l’on instruit le peuple, dans celle enceinte encore plus respectable que les tribunaux profanes ? Là les coupables subissent les châtiments qu’on leur a infligés ; ici tout est disposé en vue non de punir les coupables, mais d’effacer leurs fautes par le repentir. Dans la cour des rois on ne saurait être admis à l’honneur d’interpréter la parole royale si l’on était convaincu d’avoir une mauvaise vie. Pourquoi publies-tu mes décrets et les enseignes-tu aux autres, tandis que tu fais le contraire de ce qu’ils commandent, que ta vie n’est pas d’accord avec tes paroles, et que tu détournes de toi ceux qui étaient disposés à te prêter leur attention ? Tes paroles ne les instruisent pas autant que tes actions les détournent. Aussi le Christ nous vante-t-il le maître dont l’enseignement est parfait, parce qu’il s’appuie sur les paroles et sur les actes. « Celui qui fera et enseignera, sera grand dans le royaume des cieux. » (Mt. 5,19)
Que la vie ait donc une voix retentissante qui enseigne les mêmes choses que ta bouche, et quand même tu la tiendrais fermée, tu surpasseras les sons éclatants de la trompette, tu seras entendu et de ceux qui sont près do toi, et de ceux qui sont au loin. C’est ainsi que les cieux racontent, la gloire de Dieu. Ils n’ont ni bouche ni langue pour parler, ni poitrine pour respirer, mais ils sont beaux et en les voyant l’homme s’émerveille et songe à la puissance du Créateur. Que la vertu soit pour ton âme, ce qu’est là-haut pour le ciel le beau spectacle qu’il nous offre. Mais si tout souillé de crimes, en butte à mille accusations et surtout aux accusations de ta propre conscience, tu t’efforces de prendre possession de la chaire du Maître, en faisant le procès aux vices, c’est toi-même que fui accuses tout autant que les autres hommes. « Et pourquoi ta bouche annonce-t-elle mon alliance ? » C’est avec raison que le Prophète a dit « ta bouche », car le cœur de l’impie n’a point goûté le fruit de la, parole de Dieu, et ses lèvres s’agitent en vain, et seulement pour l’accuser pendant, qu’il parle. Et à bien examiner cette pensée, on verrait crue Dieu
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