moi. Les pécheurs travaillaient sur mon dos, ils ont prolongé leur iniquité (3). » Que signifient ces paroles ? Le Psalmiste veut dire : Ils ne m’ont pas tendu des pièges ordinaires, mais ils ont formé contre moi nombre de complots et d’embûches, ourdissant mille ruses et m’assaillant en cachette. Car l’expression, « sur mon dos », indique ou la perfidie et la dissimulation, ou bien un traitement exercé de vive force et avec une grande rigueur. Cela signifie donc, ils cherchaient à briser ma puissance. Un autre interprète, au lieu de : « Ils travaillaient », traduit par : « Ils ont labouré », pour montrer qu’ils mettaient toute leur ardeur à tendre ces pièges contraires à la justice. « Ils ont prolongé leur iniquité. » Que veut dire ici le Psalmiste ? Il fait voir qu’ils mirent dans leurs attaques non seulement beaucoup de violence, mais encore beaucoup de persistance, y employant un temps considérable, faisant de ces embûches leur grande affaire, et y mettant un acharnement continuel. Toutefois, ils n’y gagnèrent rien, grâce non pas à notre force, mais à la puissance de Dieu. C’est pourquoi, voulant montrer Celui qui élève le trophée et qui est l’auteur de la victoire, il ajoute : « Le Seigneur dans sa justice a tranché les cous des pécheurs (4). » Et un autre traducteur, au lieu de : « les cous », a mis : « les lacets », pour signifier les embûches, les artifices, les ruses. Et le Psalmiste a eu raison de ne pas dire : il a détruit, mais, « Il a tranché », pour mieux mettre en évidence qu’il a opéré ce résultat en rendant leurs desseins désormais inutiles. Et en effet, lorsque la ville commençait à se rebâtir, une foule de gens, consumés d’envie, attaquèrent les Juifs de tous côtés, et ce ne fut pas une ou deux fois seulement, mais à bien des reprises. Cela est arrivé aussi à l’Église. Quand elle commençait à s’accroître, tout le monde l’attaquait continuellement : ce furent d’abord les princes, les peuples, les tyrans ; puis vinrent les pièges des hérésies : de toutes parts une vaste guerre s’alluma, sous des formes diverses. Malgré cela, elle ne servit de rien les plans des ennemis ont été déjoués, et l’Église est florissante. « Que tous ceux qui détestent Sion soient couverts de honte et forcés « à tourner le dos[1] (5). Qu’ils deviennent comme l’herbe des toits, qui s’est desséchée avant qu’on l’arrachât (6) ; dont le moissonneur n’a point rempli sa main[2]. Et dont « celui qui ramasse les javelles n’a point rempli son sein (7). Et ceux qui passent n’ont point dit : Que la bénédiction du Seigneur soit sur vous. Nous vous avons bénis au nom du Seigneur (8). » Le Psalmiste termine par une prière cette exhortation ; et, tant par le récit des événements passés que par cette même prière, il dispose l’auditeur à prendre courage, et lui montre le motif injuste de cette guerre. C’est l’envie, c’est la haine, qui a fait entreprendre cette suite de combats ; aussi dit-il : « Que tous ceux qui détestent Sion soient couverts de honte et forcés à tourner le dos. » Puissent-ils non seulement avoir le dessous, mais d’une manière honteuse et digne de risée. Ensuite, par ces paroles « Qu’ils deviennent comme l’herbe des toits », il insiste sur l’image ; il ne les compare pas simplement à l’herbe, mais à celle des toits. Pourtant même celle qui croît dans une bonne terre, passe bien vite ; eh bien ! pour peindre plus vivement encore le peu de valeur de nos adversaires, il les compare à l’herbe qui pousse sur les maisons ; de manière que la facilité de renverser nos ennemis ressort pour nous d’un double rapprochement : la nature de l’herbe et la nature du lieu. Telles sont, nous dit-il, leurs attaques : elles n’ont ni racine, ni soutien ; ces adversaires semblent d’abord un instant fleurir, mais ensuite on les voit ce qu’ils sont, et leurs menées retombent sur eux-mêmes. Telle est aussi la prospérité de ceux qui vivent dans l’iniquité, tel est le brillant des choses de la vie ; à peine apparu, tout cela s’évanouit, n’ayant ni fondement ni force intime. Il ne faut donc pas tenir compte de ces avantages, mais, songeant à leur fragilité, il faut aspirer aux biens immortels, inébranlables et immuables. Puissions-nous tous les obtenir, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec lequel gloire au Père ainsi qu’au Saint-Esprit, dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.
- ↑ Ἀποςτραφήτωςαν et Ἀνατραπήτωσαν ont un sens trop analogue, surtout suivis de εῖς τὰ ὀπίσω, pour qu’on puisse traduire en français une différence de versions que donne ici saint Chrysostome. (Em).
- ↑ Même remarque pour χεὶρ main en général, et δράξ main fermée pour tenir une poignée de quelque chose ; mais avec πληρῶ, remplir, il n’y a pas en français deux manières de traduire. (Em)