comme nous autres, mais réchauffé au contraire par l’ardeur de sa prière. (1R. 17,19-22) Mais pourquoi parler d’Élie et de ces saints illustres ?
J’ai souvent vu des femmes prier tellement du fond du cœur pour un mari en voyage ou un enfant malade, et verser de tels torrents de larmes, qu’elles obtenaient enfin ce qu’elles demandaient par leur prière. Eh bien ! si pour la santé d’un enfant, si pour un mari qui est à l’étranger, des femmes s’enflamment à ce point dans leurs prières, quelle excuse aura l’homme qui n’a que de la tiédeur lorsque son âme est morte ? C’est bien pour cela que souvent, après avoir prié, nous nous retirons vides comme auparavant. Écoutez comment Anne priait du fond du cœur, quels torrents de larmes elle versait, et comment elle était transportée au sortir de sa prière ! (1Sa. 1,10-11) C’est que celui qui prie ainsi, recueille de grands avantages de sa prière, même avant d’obtenir ce qu’il demande, car il fait taire toutes ses passions, il apaise sa colère, se dépouille de sa jalousie, mortifie sa concupiscence, dompte son amour pour les choses de la vie, établit son âme dans un grand calme, enfin s’élève jusqu’au ciel. Car de même que la pluie, en tombant sur la terre desséchée, la fait devenir molle, ou de même que le feu assouplit le fer, ainsi une telle prière amollit et attendrit plus énergiquement que le feu, plus efficacement que la pluie, la sécheresse que les passions ont communiquée à l’âme. L’âme est chose tendre et impressionnable ; mais, semblable à l’Ister, dont l’eau devient souvent dure comme la pierre sous l’influence du froid, ainsi notre âme, sous l’influence du péché et d’une grande tiédeur, s’endurcit et se pétrifie. Nous avons donc besoin d’une forte chaleur pour amollir cette dureté. Or, c’est principalement la prière qui en vient à bout. Lors donc que vous y avez recours, ne cherchez pas seulement à obtenir ce que vous demandez, cherchez aussi comment vous pourrez, en priant, rendre votre âme meilleure. Car c’est là l’œuvre de la prière. L’homme qui prie ainsi s’élève au-dessus des choses de ce monde, il s’envole par la pensée, il donne de l’agilité à son intelligence et n’est plus emprisonné par aucune passion. « Des profondeurs j’ai crié vers vous, Seigneur. » Le Psalmiste met ici deux choses : « Des profondeurs », et : « J’ai crié vers vous. » Par ces cris, il ne veut pas dire le son de la voix, mais la disposition de notre esprit. « Seigneur, écoutez ma voix. » Il y a deux enseignements à tirer de là : le premier, c’est que nous ne pouvons absolument rien obtenir de Dieu, si nous n’y apportons ce qui dépend de nous ; c’est pour cela qu’il commence par dire : « Des profondeurs, j’ai crié », et qu’il ne dit qu’ensuite : « Écoutez ma voix. » Le second point, c’est qu’une prière énergique, à laquelle se joignent les flots de larmes de la componction, a un grand pouvoir auprès de Dieu pour le faire accéder à ce que nous implorons. Et en effet, c’est en homme qui a accompli quelqu’œuvre très-méritoire, et qui a fait ce qui dépendait de lui, que le Psalmiste ajoute : « Seigneur, écoutez ma voix (1). Que vos oreilles deviennent attentives à la voix de rua prière (2). » Il appelle « oreilles » la faculté que Dieu a d’entendre ; et par le mot de « voix », il fait allusion non pas au son produit par notre souffle, ni à nos cris, mais à notre tension d’esprit. « Si vous considérez les iniquités, Seigneur, « Seigneur, qui pourra résister ? » Ceci, c’est afin que personne ne vienne dire : Pécheur comme je suis, et sous le poids de misères sans nombre, je ne puis m’approcher de Dieu, le prier ni l’invoquer ; pour détruire ce prétexte, le Psalmiste s’exprime ainsi : « Si vous considérez les iniquités, Seigneur, Seigneur, qui pourra résister ? » Car cette question : « Qui pourra ? » revient à dire : Il n’y a personne qui puisse. Non en effet, cela ne se peut, il n’y a personne au monde qui, s’il rendait un compte exact de ses actions, fût jamais en état d’obtenir indulgence et miséricorde.
2. Et si je vous parle ainsi, ce n’est pas afin de porter les âmes à la tiédeur, c’est pour consoler ceux qui tombent dans le découragement. Car qui pourra se vanter d’avoir le cœur pur, « ou dire avec assurance qu’il est exempt de péché ? » (Prov, 20,9) Sans aller chercher d’autres exemples, je n’ai qu’à vous citer saint Paul ; et si je voulais lui faire passer rigoureusement en revue sa conduite, il n’y résisterait pas non plus. En effet, qu’aurait-il à dire ? Il avait lu les Prophètes avec soin, en observateur zélé de la loi de ses pères, il voyait les prodiges qui s’accomplissaient, et pourtant il restait persécuteur ; et il ne changea pas avant d’avoir été favorisé de cette merveilleuse vision, et d’avoir entendu cette voix terrible ; jusque-là il avait continué à jeter partout le
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