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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/219

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follement, c’est vous qui m’y avez forcé ? » Parce qu’il racontait les actions méritoires de sa vie, sa belle conduite, choses qu’il n’aurait pas dû proclamer s’il n’y avait pas eu nécessité. Il dit aussi un peu plus haut : « Même si je veux me glorifier, je ne serai pas insensé, car je dirai la vérité. » (2Cor. 12,6) De sorte que celui qui dit la vérité, quand la circonstance l’y détermine, n’est pas un insensé. Ainsi le Prophète non plus n’était pas insensé lorsqu’il se glorifiait, car il disait la vérité. Mais quel est le motif qui l’a amené à tenir ce langage ? C’était pour apprendre à ceux qui l’écoutaient qu’après avoir été délivrés de leurs maux, ils ne devaient pas s’abandonner de nouveau au vertige de l’orgueil, ni dégagés de leurs chaînes, retomber par de nouveaux écarts, dans la nécessité d’une autre captivité. Ainsi, en racontant sa propre conduite, il corrige l’auditeur et il ne dit pas : Je me suis senti élevé d’orgueil, mais j’ai maîtrisé ma passion ; il dit : « Mon cœur ne s’est point élevé d’orgueil ; » c’est-à-dire, la malice n’a pas même effleuré mon âme. Sa pensée était comme un port tranquille où n’entrent point les flots de ce mal qui est la cause de tous les autres, la source des plus grandes iniquités. Que veut-il dire par ces paroles : « Seigneur, mon cœur ne s’est point enflé d’orgueil et mes yeux ne se sont pas fièrement portés en haut ? » Cela signifie : Je n’ai point froncé les sourcils, ni dressé la tête. Car le mal de l’orgueil, en débordant de la source de passion qui est au dedans de nous, reproduit sur notre corps même l’expression de ce bouillonnement intérieur. « Et je n’ai pas marché au a milieu des choses grandes, ni des choses surprenantes et au-dessus de moi. » Que signifie : « Au milieu des choses grandes ? » Cela veut dire : Parmi les hommes orgueilleux, riches, vains et arrogants. Voyez-vous quelle humilité rigoureuse ? non seulement il était lui-même exempt de cette plaie, mais il allait jusqu’à fuir les gens qui en étaient dévorés et dans sa grande haine pour l’orgueil, il se dérobait à de telles sociétés. Car comme il détestait ce vice, non seulement il s’y dérobait, non seulement il lui fermait tout accès à sa pensée, mais encore il fuyait à une grande distance de ceux qui s’y abandonnaient, de sorte que même de ce côté il n’en pouvait subir la contagion.
Or ce n’est pas un faible mérite que de fuir les arrogants, de haïr les orgueilleux, de s’écarter d’eux et de les avoir en horreur : c’est la plus grande sûreté pour la vertu et la meilleure garde pour l’humilité. « Ni au milieu des choses surprenantes et au-dessus de moi. » Ou autrement : « Ni au milieu des choses dont la grandeur fût au-dessus de moi (1). « Si je n’ai pas été humble dans mes sentiments, mais haut dans mes pensées, comme est l’enfant sevré à l’égard de sa mère, vous rétribuerez mon âme en conséquence. » Ou autrement : « Que mon âme soit rétribuée en conséquence. » Il use ici d’une transposition ; c’est comme s’il y avait : Si je n’ai pas été humble comme est l’enfant sevré à l’égard de sa mère, si j’ai été haut dans mes pensées, que mon âme soit rétribuée en conséquence. Et le sens, le voici : non seulement j’étais pur du vice, je veux parler de l’orgueil ; non – seulement j’étais étranger à ceux qui le nourrissaient en eux-mêmes, mais je cultivais au dernier point la vertu opposée à ce vice, savoir, l’humilité, la modération, la contrition. C’est cela même que Jésus-Christ commandait à ses disciples en ces termes : « Si vous ne changez et si vous ne devenez comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. » (Mt. 18,3) Ainsi le Prophète veut dire : J’ai eu autant d’humilité que l’enfant à la mamelle. Car de même que cet enfant se tient attaché à sa mère, qu’il est humble, qu’il est exempt de tout, orgueil, qu’il a en partage l’innocence et la simplicité ; ainsi étais-je à l’égard de Dieu, me tenant continuellement attaché à lui. Et ce n’est pas au hasard qu’il donne pour exemple l’enfant que l’on a sevré ; il veut nous représenter la tribulation, la détresse, le chagrin, la grandeur des maux. Ainsi, comme l’enfant qu’on vient d’arracher à la mamelle, ne se détache pas pour cela de sa mère, mais qu’avec des plaintes et des larmes, des impatiences, des inquiétudes et des gémissements, il persiste à rester attaché à celle, qui lui a donné le jour, et ne veut pas s’en séparer ; de même, dit le Prophète, quoique je fusse dans les tribulations, dans la détresse, dans de nombreux malheurs, je restais attaché à Dieu. Et s’il n’en a pas été ainsi, que mon âme reçoive sa rétribution, c’est-à-dire que je subisse le dernier châtiment. « Qu’Israël espère dans le Seigneur, depuis maintenant et jusque dans l’éternité (4) ! » Vous le voyez, comme je vous le disais en