Aller au contenu

Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/245

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de clémence et de mansuétude, au point de vouloir même entendre nos cantiques. Toutefois ces captifs refusèrent. Voyez-vous la force que donne l’affliction ; la componction, la contrition qu’elle opère ? Ils pleuraient, et ils observaient la loi ; ils avaient vu les larmes des prophètes, ils en avaient ri, ils s’en étaient joués, ils s’en étaient moqués ; et maintenant, sans personne pour leur adresser des exhortations, ils versaient des larmes, et ils faisaient entendre des gémissements. Les ennemis, de leur côté, retiraient, de cette conduite, de précieux avantages ; ils voyaient en effet, que ces captifs ne pleuraient pas, parce qu’ils étaient captifs, parce qu’ils étaient en servitude, parce qu’ils habitaient une terre étrangère, mais parce qu’ils étaient déchus du culte de leur Dieu. Voilà pourquoi le Psalmiste ajoute : « Au souvenir de Sion. » Ils ne pleurent pas en effet seulement par hasard ; mais pleurer est leur principale occupation ; voilà pourquoi le Psalmiste dit en commençant : « Nous nous sommes assis, et nous avons pleuré. » Évidemment, nous nous sommes assis afin de nous livrer à nos gémissements et à nos lamentations. Mais pourquoi ne leur était-il pas permis de chanter sur la terre étrangère ? c’est parce que des oreilles profanes ne devaient pas entendre ces cantiques secrets. « Comment chanterons-nous un cantique du Seigneur, sur la terre étrangère (4) ? » Ce qui veut dire : Il ne nous est pas permis de chanter ; quoique nous soyons déchus de notre patrie, nous voulons observer toujours la loi, avec une scrupuleuse fidélité. Vous avez beau exercer votre domination sur nos corps, vous ne triompherez pas de notre âtre. Voyez-vous comme l’affliction conduit l’âme à la sagesse, et la rend supérieure aux épreuves et aux malheurs ? « Si je t’oublie, ô Jérusalem, que ma main droite soit mise en oubli ; que ma langue s’attache à ma gorge (6). »
Voyez, encore ici, le grand changement. Chaque jour ils entendaient dire qu’ils seraient chassés de leur cité ; et ils demeuraient dans l’insouciance : Maintenant, ils se chargent eux-mêmes d’imprécations, s’ils venaient à l’oublier. Et maintenant que signifie, « que ma main droite soit mise en oubli ? » C’est-à-dire, que mes propres forces m’oublient, et que je devienne muet dans l’excès de mes maux, « Si je ne me souviens pas de toi, si je ne me propose pas Jérusalem comme le principe de ma joie. » Qu’est-ce que cela veut dire, « si je ne me propose pas Jérusalem ? » C’est-à-dire, si non seulement je ne me souviens pas de toi, dans les autres moments, mais de plus dans mes hymnes et dans mes cantiques. Quant à cette expression, « si je ne me propose « pas ; » c’est-à-dire, si je ne prends pas pour premier motif, pour prélude, et rien ne saurait exprimer plus fortement le regret et l’amour brûlant de ces exilés pour Jérusalem. Écoutons, tous tant que nous sommes, et instruisons-nous. En effet, de même que les Israélites rie cherchent que Jérusalem une fois qu’ils en sont bannis ; de même un grand nombre d’entre nous souffriront de pareilles douleurs, dans ce jour redoutable où ils seront déchus de la céleste Jérusalem. Toutefois ces malheureux, après avoir perdu leur patrie, conservaient l’espérance du retour ; mais nous, une fois hors de la patrie céleste, nous aurons perdu jusqu’à cet espoir. « Le ver qui les ronge », dit l’Évangile, « ne mourra point, leur feu ne s’éteindra point. » (Mc. 9,43) Voilà pourquoi nous devons apporter le zèle le plus actif à nous conduire, dans la vie présente, de telle sorte que nous ne tombions pas dans la captivité, que nous ne soyons pas exclus, exilés à jamais de cette bienheureuse patrie. « Souvenez-vous, Seigneur, des enfants d’Edom, de ce qu’ils ont fait aux derniers jours de Jérusalem, de leurs cris : ruinez-la, ruinez-la jusque dans ses fondements (7). »
Une autre version, au lieu de, « souvenez-vous des enfants », porte : « Souvenez-vous pour les enfants d’Edom. » Toutes ces paroles marquent également le brûlant désir de la patrie ; de là, cette prière : Punissez les barbares, à qui notre captivité n’a pas suffi ; que notre, ruine n’a pas assouvis ; qui nous ont poursuivis en disant : Creusez, jusqu’à ce que vous ayez fait disparaître la dernière des fondations. Car, ils voulaient détruire jusqu’aux bases de la cité, ils en voulaient arracher jusqu’aux fondations les plus enfoncées dans la terre.
2. Or, ces ennemis étaient des Arabes qui. s’étaient réunis aux Babyloniens pour envahir la Judée. Le Prophète rappelle souvent leur souvenir ; il leur fait d’amers reproches de ce que, malgré la parenté qui les unissait aux, Israélites ils se sont montrés pour eux plus cruels que tous les ennemis. « Filles de Babylone que je plains (8) ; » un autre, « que je vois