Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/259

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lois ne commandent que le bien, ne nous aurait pas ordonné ce qui est mal. Cependant quoi qu’il en soit ainsi, il ne faut pas faire insulte aux méchants, ni leur courir sus, mais éviter, décliner leur commerce ; quand ils nous attaquent, les recevoir avec une fermeté virile. Voilà pourquoi nous avons l’ordre de prier, afin de ne pas entrer en tentation. Aussi, après avoir dit : « Délivrez-moi, Seigneur de l’homme méchant », le Psalmiste ajoute : « Délivrez-moi de l’homme injuste », se servant de l’expression générale qui marque le vice ; car l’injuste, ici, n’est pas simplement celui que l’avarice égare, mais celui que toutes les autres passions aussi poussent à l’injustice. Et la prière d’être délivré est pour demander de ne pas succomber, de ne pas devenir pareil à l’homme injuste. Et le Psalmiste ne se contente pas de prier, il commence par dire, qu’il a fait ce qui dépend de lui. C’est ainsi que vers la fin du psaume précédent, il dit qu’il fuyait tout commerce avec les méchants. Voilà ce qui l’autorise à demander, ici, le secours de Dieu. Précédemment il montre les dispositions de son cœur par ces paroles : « Hommes de sang, éloignez-vous de moi. » (Ps. 138,19) Voici qu’à présent, il prie Dieu pour être délivré de leur méchanceté. Ce n’est pas en effet une circonstance légère, indifférente pour la sécurité, pour la liberté, pour le plaisir, quel qu’il soit, de la vie, que d’être délivré de la société de pareils hommes, que d’être bien loin de tout commerce avec les méchants. Au contraire, c’est là un grand élément de bonheur. Il dépeint ensuite leur méchanceté, et il ajoute : « Ceux qui ne pensent, dans leur cœur, qu’à commettre des injustices, me livraient tous les jours des combats. ». Voyez-vous ces bêtes féroces, dont il est difficile de se garder, qui méditent, au fond de leur cœur, leurs mauvais desseins, et qui cachent, dans le secret de leur âme, leur perfidie ? « Ceux qui ne pensent », dit-il, « dans leur cœur ; » c’est-à-dire qui n’ont pas encore mis au jour, mais qui nourrissent au dedans d’eux-mêmes la méchanceté dont leur âme est pour, ainsi dire grosse, et, ce qu’il y ai de plus terrible, qui ne procèdent pas étourdiment, qui ne s’égarent pas dans leur chemin, mais accomplissent leur œuvre avec une entière attention. C’est ce que veut dire : « Ceux qui ne pensent, « dans leur cœur ; » c’est-à-dire qui s’appliquent avec une ardeur passionnée, avec un désir ardent. « Me livraient tous les jours des combats. » Ces paroles expriment la vie tout entière ; les combats, dont il est question ici, ne sont pas ceux qui se livrent en règle, les armes à la main, mais ceux qui résultent des perfidies préparées : de ce que font, et sur la place publique, et dans l’intérieur des maisons, des hommes qui n’ont ni bouclier ni cuirasse, mais, pour toute arme, la perversité, et dont les paroles font de plus cruelles blessures que des javelots. Or le comble de leur perversité, ce n’est pas seulement qu’ils pratiquent la ruse, la feinte, qu’ils sont prêts à tous les combats, mais encore que, pendant toute la durée de la vie, ils ne suspendent par aucune trêve cette guerre terrible. S’ils tenaient tant à faire la guerre, ils avaient une raison de légitimes combats, ils devaient entreprendre la lutte contre les péchés, opposer leurs armes au démon, combattre les maladies de l’âme, aiguiser leurs glaives contre les mauvais anges. Mais c’est là une mêlée que ne soupçonnent même pas les hommes méchants. Ils ne font que se lancer mutuellement des traits, qui les frappent eux-mêmes. « Ils ont aiguisé leur langue comme celle d’un serpent ; le venin des aspics est sous leurs lèvres (3). » Voyez la bassesse du vice : des hommes, il fait des bêtes sauvages, des aspics, des serpents ; et cette langue, destinée à être l’interprète de la raison, ils la ravalent à cette brutalité. Et maintenant, l’accusation que le Psalmiste leur a déjà adressée, il la leur oppose encore. Quelle est-elle ? « Le venin des aspics est sous leurs lèvres. » Mais que signifie cette expression ? « Le venin des aspics est sous leurs lèvres », dit-il, « toujours ; » c’est-à-dire, sans cesse ; de même qu’il a dit plus haut : « Ils me livraient tous les jours des combats », de même il dit encore ici : « Ils ont aiguisé leur langue comme celle d’un serpent ; le venin des aspics est sous leurs lèvres toujours. Tel est le sens de diapsalma », en hébreu « sel », qui revient à « toujours. » Or le vice, même dans un temps bien court, est chose grave et importune ; mais, quand on ne se lasse pas de le suivre, quand on en est insatiable, quel pardon peut-on mériter ? de quelle excuse peut-on se couvrir ? « Préservez-moi, Seigneur, de la main du pécheur ; des hommes injustes, délivrez-moi. Ils ne pensent qu’à me faire tomber (4) ; les superbes m’ont dressé des pièges en secret ; ils ont