ou non. Car, il n’y a rien là qui mérite, soit la louange, soit le blâme. On voit un très-grand nombre d’avantages naturels accordés même à des scélérats : n’était-ce pas un bel homme, et d’une belle figure, et dont les cheveux bouclés relevaient la beauté, Absalon ? Et encore : N’est-il pas vrai qu’Élisée avait la tête chauve, au point d’être tourné en ridicule par les enfants ? Eh bien ! la beauté de l’un ne lui a servi à rien ; et celui-ci n’a en rien souffert de sa laideur. Et à quoi bon parler de voix faible et grêle, et de langue embarrassée, lorsqu’on entendait jusqu’au silence de Moïse, lorsque Anne n’avait pas besoin de parler ? Dieu disait aux Juifs : « Lorsque vous multiplierez vos prières, je ne vous écouterai point. » (Is. 1,15) Pourquoi donc le Psalmiste vient-il nous dire ici : « J’ai crié vers vous, exaucez-moi. » Il entend par là le cri intérieur d’une âme embrasée, d’un esprit contrit, le cri de Moïse, que Dieu exauçait ; car, de même que celui qui pousse des cris, épuise toutes ses forces, de même celui qui pousse les cris de l’âme, y applique toutes les forces de sa pensée.
2. Voilà donc le cri que Dieu nous demande, le cri qui convertit l’âme, ne la laisse jamais inactive, distraite. Il ne manque pas de gens en effet, qui sont présents dans le temple sans aucun doute, mais qui ne poussent vers Dieu aucun cri. Ce sont leurs lèvres qui crient, prononçant le nom de Dieu, qu’elles portent partout, mais la pensée ne soupçonne pas ce que disent les lèvres. Celui dont je parle ne crie pas, quand il ferait, de sa voix le plus grand vacarme ; celui dont je parle ne prie pas le Seigneur, quand même il paraîtrait tout à fait le prier, ce qui ne s’applique pas à Moïse. Il criait et il était exaucé. Aussi Dieu lui dit : « Pourquoi cries-tu vers moi ? » (Ex. 14,15) Or, ce n’étaient pas seulement ses cris, mais son silence même, qui lui obtenaient ce qu’il désirait, parce qu’il s’était montré digne d’être exaucé par Dieu. Voulez-vous voir encore des pécheurs, soutenant le cri ardent de leurs prières, criant d’une manière retentissante, et obtenant ce qu’il désire. Voyez la courtisane, dont le silence est un cri (Lc. 7,38) ; voyez le publicain ; sa prière a suffi pour le justifier. (Lc. 18,13-14) Le publicain aussi pousse un vrai cri, qui lui fait dire : « Seigneur, j’ai crié vers vous, exaucez-moi ; » et sa prière est faite pour être écoutée.
« Lorsque je pousserai mes cris vers vous. » Voyez encore une autre vertu de la prière ! En effet, il ne demande pas d’être exaucé seulement pour l’ardeur qu’il apporte à sa prière, mais aussi parce que sa prière est digne d’attirer l’attention de ces yeux qui ne dorment jamais. De quelle nature est cette prière ? C’est une prière qui ne souhaite aucun mal aux ennemis ; qui ne demande ni richesses, ni opulence, ni puissance, ni gloire, ni rien de périssable, mais, uniquement, ce qui est impérissable, immortel. En effet, dit l’Écriture « Cherchez le royaume de Dieu, et tout cela vous sera accordé par surcroît. » (Mt. 6,33) « Lorsque je pousserai mes cris vers vous. » Voyez-vous le zèle enflammé, la ferveur qu’il nous demande, lorsque nous invoquons le Seigneur ? En effet, c’est alors surtout que le démon nous presse, et nous menace. Comme il sait que nos armes les plus fortes sont let prières ; comme il sait que, quels que soient nos péchés, notre bassesse, si nous prions Dieu en appliquant toute notre âme à la prière, si i nous le prions d’une manière conforme à ses commandements, nous pouvons obtenir les plus grands biens, c’est alors que le démon s’efforce d’éteindre notre zèle, de distraire nos pensées, afin que nous ne recueillions aucun y fruit de nos prières.
Instruits de ces vérités, fortifions-nous contre l’ennemi commun, n’adressons jamais à Dieu de prières contre nos ennemis, imitons les apôtres. Assaillis de maux innombrables, jetés, en prison, exposés aux plus grands de tous les périls, ils se réfugiaient dans la prière, ils disaient : « Considérez leurs menaces. » (Act. 4,29) Et après qu’ajoutaient-ils ? Brisez-les ou exterminez-les, langage ordinaire de l’imprécation ? Nullement, mais : « Et donnez à vos serviteurs la force d’annoncer votre parole. » (Id) Comment et par quels moyens ? En mettant à mort les persécuteurs ? en les écrasant ? en les exterminant ? nullement. Mais comment donc ? « En faisant des merveilles et des prodiges, par le nom de votre saint Fils Jésus. » (Id. 30) Voyez-vous la parfaite sagesse de la prière, (lui ; après tant et de si grands maux, ne demande pas le supplice des ennemis ? Tels se sont montrés les apôtres, quand ils étaient pleins de vie ; mais maintenant, Étienne, au moment de se voir arracher la vie présente, non seulement ne souhaitait aucun mal à ses ennemis ; mais, quand on le
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