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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/27

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pour la lecture des choses spirituelles, et supportaient avec peine le travail que cela leur imposait ; il voulut leur rendre la tâche plus agréable, leur ôter le sentiment de la peine, et pour cela, il joignit la mélodie aux paroles prophétiques, afin que tous, entraînés par le rythme musical, fissent monter vers lui les saintes hymnes avec une grande ferveur. Car il n’est rien, non rien qui élève l’âme, qui lui donne des ailes, qui l’arrache à la terre, qui l’affranchisse des liens du corps, qui lui inspire la divine sagesse, qui lui fasse tout mépriser ici-bas, comme une musique d’ensemble et les accents mesurés d’un divin cantique. Il y a dans le chant et dans la musique un charme si approprié à notre nature, que c’est un moyen de calmer même les enfants à la mamelle, lorsqu’ils crient et qu’ils sont fâchés. Aussi les nourrices qui les portent dans leurs bras vont et viennent mille et raille fois en leur chantant des airs enfantins, qui réussissent à fermer leurs paupières. C’est encore pour la même raison que l’on voit souvent vers le milieu du jour des gens en voyage conduisant leurs bêtes de somme, chanter en même temps, pour adoucir par ces chants les désagréments du voyage. Et non seulement les voyageurs, mais encore les cultivateurs chantent fort souvent, lorsqu’ils foulent le raisin, ou qu’ils font la vendange, lorsqu’ils donnent des soins à leurs vignes, ou se livrent à n’importe quel autre travail.
Les matelots chantent aussi en maniant la rame. Et quand les femmes font de la toile, et qu’elles démêlent avec la navette les fils embrouillés de la chaîne, elles chantent aussi des airs, soit chacune en particulier, soit toutes en chœur. Or, toutes ces personnes, femmes, voyageurs, cultivateurs ou matelots, ne chantent ainsi que dans le but d’alléger la fatigue de leurs travaux, parce que l’âme, lorsqu’elle entend un air, un chant, est capable de supporter plus facilement toute sorte de peines et de fatigues. Et comme cette sorte de plaisir a pour notre âme un attrait si naturel, Dieu, pour empêcher que les démons ne viennent tout bouleverser en introduisant parmi nous des chants lubriques, Dieu nous a donné les psaumes comme un rempart, et a voulu qu’ils nous fussent à la fois agréables et utiles. Car les chants mondains sont nuisibles, pernicieux, les maux qu’ils causent sont nombreux : ce qu’ils ont de plus impur et de plus déréglé s’introduisant dans le fond des âmes, les affaiblit et les énerve ; au contraire le chant tout spirituel des psaumes est d’une grande utilité, d’un grand profit ; il nous procure une abondante sanctification, il nous suggère toute espèce de sagesse, parce que leurs paroles purifient nos âmes, et que l’Esprit-Saint ne tarde pas à descendre dans l’âme qui fait retentir de pareils accents. Oui, ceux qui chantent les psaumes avec conscience invoquent par là la grâce du Saint-Esprit, témoin cette parole de saint Paul : « Ne vous enivrez point de vin, car il produit la débauche ; mais remplissez-vous du Saint-Esprit ; » puis il ajoute la manière d’y parvenir : « en chantant », dit-il, du fond de vos cœurs, des cantiques et des « psaumes au Seigneur. » (Eph. 5,18-19) Que signifie « du fond de vos cœurs ? » C’est-à-dire avec conscience, pour que, la bouche prononçant les paroles, la pensée ne s’en aille pas au-dehors s’égarant de tous côtés, mais pour due l’âme écoute les paroles de la langue.
2. Vous le savez, où il y a un bourbier, les pourceaux y courent ; mais aussi, où il y a des aromates et des parfums, les abeilles établissent leur demeure : de même, où des chants lubriques se fout entendre, les démons se rassemblent ; mais là où retentissent des chants spirituels, vient se reposer la grâce de l’Esprit-Saint, sanctifiant et les bouches et les âmes. Et je le dis, non pas seulement pour vous inciter à louer Dieu vous-mêmes, mais aussi pour que vous appreniez à vos enfants et à vos femmes à chanter de pareils cantiques, non pas seulement en faisant de la toile ni en travaillant à d’autres ouvrages, mais particulièrement quand vous êtes à table. En effet, c’est surtout pendant les repas que le démon vous tend des pièges : il a pour lors le secours de l’ivresse et de l’intempérance, des rires immodérés, du laisser-aller de l’âme ; c’est donc surtout alors, ainsi qu’avant et après le repas, qu’il faut lui opposer comme un rempart la vertu fortifiante des psaumes ; il faut cous lever de table avec votre femme et vos enfants, et chanter en commun les saintes hymnes à Dieu. Car si Paul, tout exposé qu’i il était à d’intolérables coups de fouet, les entraves aux pieds et retenu dans une prison, a pu au milieu de la nuit, alors que le sommeil enchaîne tous les hommes avec le plus de douceur, employer le temps, conjointement avec Silas, à louer