« Faisons l’homme », dit Dieu, « à notre image et ressemblance. » (Gen. 1,26) Pense, ô homme, à l’image de qui tu as été fait, et ne te ravales pas à la vile condition des animaux. Si tu vois un roi, rejetant la pourpre et le diadème, confondu avec les soldats, abdiquant son autorité, comment l’appelleras-tu un roi ? Tu es un homme, ne me dis pas que tu as l’âme d’un homme, montre-moi que tu en as la sagesse. Tu commandes aux animaux sans raison, et tu ne rougis pas d’être l’esclave de tes passions sans raison ?
2. Et comment, me dis-tu, deviendrai-je un homme ? Maîtrise les pensées de la chair, pensées dépourvues de raison ; chasse loin de toi la fornication ; chasse l’amour immodéré des richesses ; chasse ce détestable tyran, purifie-toi. Mais comment deviendras-tu un homme ? Viens ici où l’on fabrique des hommes. Quoi que tu sois, je ferai de toi un homme : Cheval ? je ferai de toi un homme ; loup ? je ferai de toi un homme ; serpent ? je ferai de toi un homme ; je ne transformerai pas ta nature, mais ta volonté. Mais quoi ? me dira-t-on, j’ai des enfants, une maison à conduire ; une femme, dont je dois prendre soin ; la pauvreté me presse ; il me faut gagner le pain du jour. Prétextes que tout cela, et vaines raisons. Si je te retenais ici, sans jamais te quitter ; si je ne t’accordais aucun relâche ; si tu ne pouvais plus vaquer, au-dehors, à tes affaires, à la bonne heure, tu pourrais te défendre, et t’excuser, et me dire : j’ai des enfants et une maison à conduire ; et tu aurais raison de parler ainsi ; ou plutôt, tu n’aurais même pas besoin de parler ainsi ; car Dieu est assez fort, quand même tu resterais ici pour accroître ta fortune. Mais moi je ne t’impose aucune nécessité de ce genre ; je ne te dis pas de venir ici tous les jours, mais seulement deux fois dans la semaine. Qu’y a-t-il de pesant, qu’y a-t-il de si lourd à porter dans ce que je demande ? Il ne s’agit pas de journées entières, mais de quelques instants bien courts à passer dans l’église ; reçois les divines pensées, afin de te préserver des blessures ; non pas pour en faire aux autres, mais pour convertir la place publique en église. Viens, ô homme, reçois ton armure, afin que cette armure te protège contre toute blessure funeste ; tiens-toi à ta place, au milieu des soldats du Seigneur, mais tiens-toi armé ; tiens-toi dans le sanctuaire, mais avec des yeux purs ; pousse ton vaisseau dans le port, mais manœuvre avec prudence ; c’est ce que tu peux apprendre ici et tu ne veux pas, et au milieu des armées du siècle, sans être revêtu de la loi de Dieu, tu te jettes tout nu. Vois donc quel trésor on remporte de l’église ! le mépris de toutes les choses humaines ; la force qui foule aux pieds les chagrins ; qui se montre supérieure à tous les biens de ce monde ; la vertu toujours modeste, jamais abattue. Ainsi se montra Job : la pauvreté ne ruina pas son courage ; l’opulence ne l’exalta pas ; dans la variété des événements, des conditions, il conserva l’égalité de son âme.
Tiens, reçois de moi ton armure. Quelle armure ? celle qui plus d’une fois t’assurera ton salut. Tu sors, et tu vois un homme tout fier sur un coursier au frein d’or : autour de lui de nombreux satellites ; et voici qu’en même temps, tu aperçois un misérable abattu sous le malheur. Alors l’envie te saisit à propos de ce riche, et te voilà pris par la haine qui ronge le pauvre. David s’approche de toi, pour te garder, pour te dire : « Ne craignez point, en voyant un homme devenu riche. » Sors avec le Prophète et ne crains point ; va où je te dis, avec le Prophète, avec le docteur, avec ce bâton pour soutien, avec ce héraut de Dieu. « Ne craignez point en voyant un homme devenu riche. » Mais, dira-t-on ; c’est un avertissement ; c’est un conseil, c’est une parole honnête ; toutefois, dites-moi aussi le moyen de ne pas craindre cet homme. C’est que la richesse est de la même nature que celui qui est riche. Comment cela ? je vais le dire. Qu’est-ce que l’homme ? Un animal misérable, fragile, qui ne vit qu’un temps ; dé de même sont les richesses ; ou plutôt il ne faut pas dire de même, mais bien plus fragiles. Souvent, en effet, elles, ne disparaissent pas avec l’homme, mais avant l’homme. Vous avez vu d’innombrables exemples de cette vérité ; sans sortir de cette ville, vous avez vu les richesses inopinément perdues ; vous avez souvent été à même de voir périr les possessions du vivant du possesseur ; car la fin des richesses, c’est la révolution qui produit la pauvreté. Réfléchissez donc sur le peu de durée de la possession. Car le possesseur survit à la possession perdue. Et plût au ciel que la possession ne fût jamais que perdue sans perdre du même coup le possesseur ! On a donc raison de dire que la richesse est un serviteur
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