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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/338

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vos âmes, pour qu’elle y demeure à jamais ; c’est un remède spirituel, c’est un enchantement divin, ineffable, qui extermine les passions. L’Écriture sainte arrache les épines des péchés : elle purifie le champ, elle y jette les semences de la piété, elle en développe le fruit qu’elle rend d’une vigoureuse saveur. Donc, ne négligeons pas de si grands biens ; ne nous absentons pas des réunions, courons-y sans cesse, afin d’obtenir toujours les soins qui nous sont nécessaires ; et que nul, à la vue d’un riche, ne se laisse blesser par l’envie, ni fouler aux pieds par la pauvreté, afin d’être toujours tous bien pénétrés de la vraie nature des choses, de négliger les ombres pures, pour n’embrasser que la vérité. L’ombre a beau paraître plus grande que le corps, ce n’en est pas moins une ombre ; et d’ailleurs elle n’est réellement pas plus grande, mais elle paraît ainsi, et elle ne nous semble plus grande que parce que les rayons du soleil s’éloignent de nous ; à midi, lorsque le soleil brûlant envoie ses rayons sur nos têtes, l’ombre est raccourcie de toutes parts et devient plus petite, ce que l’on peut voir, par analogie, dans les choses de la vie humaine. En effet, aussi longtemps que l’on se tient séparé de la vertu, les choses de la vie paraissent grandes ; mais une fois que l’on s’est placé dans l’éclatante lumière des Écritures, alors combien viles, combien courtes, combien misérables, paraissent ces choses, et chétives et caduques ; avec quelle facilité on comprend, qu’elles n’ont rien de plus que les eaux des fleuves qui ne font que paraître et s’écouler. Voilà pourquoi le Prophète, exposant les leçons de la sagesse et réprimandant ces âmes faibles et vouées à l’infortune, ces esprits rampant sur la terre, que saisit la pompe des richesses, et qui ont peur, et qui tremblent à la vue des riches, voilà pourquoi le Prophète, afin de nous affranchir de cette crainte, de nous inspirer le mépris des trésors prétendus, nous disait : « Ne craignez point, en voyant un homme devenu riche, et sa maison comblée de gloire ; parce que, lorsqu’il sera mort, il n’emportera point tous ces biens. » (Ps. 48,17) Remarquez-vous le choix minutieux des expressions, et la parfaite clarté qui distingue tous les mots ? Il ne dit pas : en le voyant comblé de gloire, lui, mais : « Sa maison comblée de gloire. » Il indique que la gloire de l’homme n’est pas la même chose que la gloire de sa maison. Quelle est donc la gloire de l’homme, et qu’est-ce que la gloire de sa maison ? Il importe ici d’établir bien clairement la distinction, afin de ne pas embrasser des songes, au lieu de la vérité. Eh bien ! la gloire de la maison, ce sont les portiques, les lieux de promenade, les lambris dorés, le pavé incrusté de pierres, les prés, les jardins, les troupeaux d’esclaves, le mobilier somptueux ; rien, dans tout cela, ne se rapporte à l’homme. La gloire de l’homme, c’est la pureté de la foi, le zèle de Dieu, l’affection, la douceur, la modération, l’assiduité à la prière, la générosité qui fait l’aumône, la chasteté, la modestie, toutes les autres vertus. Et ce qui prouve que cette distinction est fondée, c’est que le possesseur de ces biens étrangers, n’en retire aucune gloire ; jamais on ne regardera comme illustre, celui qui a de magnifiques demeures, un beau jardin, un beau pré, un grand nombre d’esclaves ou de riches vêtements ; la gloire qu’il y a là-dedans, est pour les ouvriers qui ont fait ces choses matérielles et non pour celui qui les a acquises ; tout au contraire c’est une preuve de perversité.
2. Donc la possession de ces prétendus biens est si loin de donner de la gloire aux possesseurs, qu’au contraire leur réputation en est fortement amoindrie. En effet, ceux qui mettent là-dedans leurs richesses, et qui les étalent, on les regarde universellement comme des êtres cruels, n’ayant rien d’humain ; des infâmes, des fous. Et en effet, ces biens ne contribuent en rien à la gloire de l’homme, c’est la gloire de la maison ; mais ceux qui vivent dans la chasteté, dans la modestie, dans la douceur, dans la modération, appliqués tout entiers au service de Dieu, nous les admirons, nous les louons, nous les célébrons, parce que ces vertus surtout constituent la gloire de l’homme. Ces vérités étant bien comprises, ne regardez jamais comme heureux l’homme riche, de ces biens qui n’ont rien de commun avec lui. Vous voyez un homme assis sur un char ; le sourcil haut, il se dresse, il touche aux nuages ; ce qui n’est pas vrai en réalité (car c’est impossible), mais je dis qu’il y touche, par l’arrogance de ses pensées, ou plutôt par l’absence de ses pensées. Ne dites pas que voilà un homme couvert de gloire, un homme sublime, un homme grand ; ce qui vous rend sublime, ce ne sont pas des mulets qui tirent votre char, c’est la perfection de votre vertu, qui vous élève au ciel. Vous voyez un homme