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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/418

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les choses d’ici-bas : au contraire, ce qui est sublime, éminent, n’appartient qu’à cette incompréhensible nature, qu’il n’est possible ni d’entendre ni d’expliquer : de là ces mots « J’ai vu le Seigneur assis sur un trône élevé et sublime. » Et qu’avez-vous vu encore, ô Prophète ? Qu’avez-vous aperçu autour de lui ? « Et les séraphins », continue-t-il, « étaient debout autour de lui. » Que faisaient-ils ? Que disaient-ils ? Quelle confiance montraient-ils ? Aucune confiance, répond le Prophète, mais une crainte, un saisissement extrême, une terreur indicible qui se manifestait par leur maintien même. De leurs deux ailes ils se cachaient le visage, à la fois pour se protéger contre les rayons que lançait le trône, et dont ils ne pouvaient supporter l’éclat irrésistible, et d’autre part, de manière à laisser voir le respect qu’ils ont eux-mêmes pour le Maître.
J’ai dit quelle est leur joie, quel est leur contentement, et néanmoins ils cachent non seulement leur visage, mais jusqu’à leurs pieds. Et pourquoi cela ? Quant aux yeux, cela s’explique par l’objet redoutable qui est devant eux, par l’impossibilité de soutenir l’éclat de la gloire inaccessible ; mais pourquoi se couvrir les pieds ? J’aurais voulu vous laisser cette question à examiner, afin d’occuper vos esprits à la résoudre, et de les animer à la recherche des vérités spirituelles ; mais je crains, en laissant votre pensée préoccupée de ce sujet, de vous distraire de l’exhortation, en sorte qu’il faut bien vous expliquer l’énigme. Pourquoi donc se œuvrent-ils les pieds ? C’est une suite de leur empressement à montrer leur piété vis-à-vis du Créateur ; de là ces angoisses qu’ils s’efforcent de manifester par leur attitude, leur voix, la direction de leurs regards, comme aussi en restant debout. Et comme en dépit de tout cela ils ne peuvent réussir à réaliser leur désir, ni à faire leur devoir, ils dissimulent leur incapacité en se voilant de toutes parts. Avez-vous compris mon explication, ou faut-il que je la reprenne ? Pour la rendre plus claire, j’aurai recours aux exemples qui sont sous nos yeux. Quelqu’un se fait-il présenter à un monarque terrestre, il cherche tous les moyens de lui témoigner un grand respect, afin de s’attirer par là une faveur plus signalée. Dans cette vue, il combine et les mouvements de sa tête et les inflexions de sa voix, il a soin de tenir ses mains jointes et ses pieds rapprochés, en un mot de composer toute son attitude, de manière à exprimer cette vénération. Il en est ainsi de ces puissances incorporelles. Dans leur vif désir d’attester leur respect envers le Créateur, dans leurs efforts de tout genre pour y parvenir, ne pouvant y réussir néanmoins, ils cachent sous un voile leur impuissance à réaliser leur désir. Voilà pourquoi l’on dit qu’ils se cachent et le visage et les pieds. Ces paroles se prêtent d’ailleurs à une autre considération appartenant à l’ordre mystique : il ne faut pas entendre par là que les anges aient des pieds, un visage (ils sont incorporels ainsi que la Divinité). Le Prophète voulu indiquer par ce langage, qu’ils se recueillent de toutes parts sur eux-mêmes, qu’ils servent le Maître avec crainte et avec une pieuse retenue. C’est ainsi que nous devons nous présenter nous-mêmes devant lui, quand nous lui offrons de semblables hommages ; nous devons craindre, trembler, nous figurant que nous le voyons lui-même avec les yeux de l’esprit. Et n’est-il pas présent ici, en effet, Celui qu’aucun lieu ne renferme, ne prend-il pas note des paroles que chacun profère ? C’est donc avec cette contrition, dans cette humilité du cœur, que nous devons chanter ses louanges, afin de les rendre agréables et d’envoyer au ciel comme le parfum d’un encens odorant. « Dieu », dit l’Écriture, « ne méprisera point un cœur contrit, et humilié. » (Ps. 50,19) Cependant, dira-t-on, le Prophète nous exhorte à célébrer Dieu avec jubilation : que « toute la « terre célèbre le Seigneur avec jubilation. » (Ps. 65,4) Mais ce que nous proscrivons, ce n’est point une pareille jubilation, ce sont les cris indistincts ; ce n’est point la voix de la glorification, c’est la voix du tumulte, ce sont les disputes, les mains agitées en l’air hors de propos, les piétinements, les attitudes molles ou indécentes, où se complaisent les désœuvrés au théâtre et dans les hippodromes. De là nous viennent ces enseignements funestes, de là ces vociférations irrévérencieuses et déplacées, de là ces gestes désordonnés, ces querelles, ces disputes, ces attitudes malséantes.
4. En effet rien ne dispose autant au mépris de la parole divine que les divertissements qu’on va chercher dans ces spectacles. C’est pour cette raison que j’ai exhorté plus d’une fois quiconque entre ici, quiconque jouit de l’enseignement divin, quiconque participe au redoutable et mystérieux sacrifice, à ne point porter ses pas dans ces théâtres, à ne point