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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/437

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s’il vous arrive de trouver un prêtre indigne, de décrier pour cela le sacerdoce : ce n’est pas la fonction qu’il faut accuser, c’est celui qui s’acquitte mal d’un devoir glorieux. Judas trahit : mais ce n’est, pas un grief contre D’apostolat, la volonté du coupable est seule en cause : la faute n’en est pas au sacerdoce, mais à la perversité d’un homme.
5. N’allez donc point accuser le sacerdoce ne vous en prenez qu’au prêtre indigne. On vous prend à partie, on vous dit : Voyez-vous ce chrétien ? Répondez : Je ne parle point des personnes, mais des choses. Combien de médecins ont joué le rôle de bourreaux, et donné des poisons au lieu de remèdes ! Je ne m’en prends pas pourtant à leur art, mais au mauvais usage qu’ils en font. Combien de nautoniers ont causé la perte de leur navire ! La faute n’en est pas à la navigation, mais à leur étourderie. De même, si vous rencontrez un chrétien vicieux, au lieu d’incriminer ta religion et le sacerdoce, n’accusez que celui qui use mal de ces belles choses. Le monarque est chargé des corps, le prêtre des âmes ; le monarque remet les dettes, le prêtre, les péchés. L’un contraint, l’autre exhorte ; l’un use de force, l’autre de persuasion. L’un a des armes matérielles, l’autre des armes spirituelles. Lui, il fait la guerre aux barbares : moi, je la fais aux démons. Ce dernier pouvoir est le plus grand : voilà pourquoi le roi incline son front sous les mains du prêtre : pourquoi l’on voit partout dans l’Ancien Testament les prêtres oindre le roi.
Eh bien ! le roi Ozias franchit les limites qui lui étaient assignées, les bornes prescrites au pouvoir royal : il entreprit d’usurper : il entra dans le temple de sa pleine autorité, dans l’intention d’offrir l’encens. Et le prêtre, que dit-il ? Tu n’as pas le droit, Ozias, d’offrir l’encens. Considérez la liberté, la noble indépendance de ce langage vraiment inspiré et d’une hardiesse indomptable. Ce prêtre avait le corps d’un homme et les pensées d’un ange ; ses pieds touchaient la terre, mais il vivait dans le ciel. Il vit le roi, et ne vit pas la pourpre ; il vit le roi, et ne vit pas le diadème. Ne me parlez plus de royauté, là où la loi est enfreinte. « R. tu n’as pas le droit d’offrir l’encens dans le saint des saints. » Tu outrepasses tes bornes, tu réclames ce qui ne t’appartient pas : pour ta punition tu perdras ce que tu as reçu. Tu n’as pas le droit d’offrir l’encens, c’est l’affaire des prêtres. Ce n’est pas ta fonction, mais la mienne. Est-ce que je t’ai dépouillé de ta pourpre ? Ne me dépouille pas de mon sacerdoce. « Tu n’as pas le droit d’offrir l’encens, c’est la tâche des prêtres, fils d’Aaron. »
Il y avait bien du temps qu’Aaron était mort quand ces choses se passèrent. Pourquoi donc au lieu de dire simplement « Des prêtres », fait-il mention du chef de leur race ? C’est qu’il était advenu, à cette époque reculée, un fait à peu près semblable. Dathan, Abiron et Coré s’étaient révoltés contre Aaron : la terre s’entr’ouvrit, et les engloutit dans son sein. Le feu du ciel tomba sur eux, et les dévora. C’est afin de rappeler cette antique histoire, comment autrefois déjà le sacerdoce avait été persécuté sans être vaincu, comment le peuple, ayant pris parti contre lui à son tour, avait été châtié par Dieu, que le prêtre répond : « Tu n’as pas le droit d’offrir l’encens, c’est la « tâche des prêtres, fils d’Aaron. » Il ne dit pas : Songe au supplice infligé à ceux qui tentèrent la même chose. Il ne dit pas : Songe que les rebelles furent brûlés. Il se contente de nommer Aaron qui fut ainsi vengé, et par là il rappelle au roi toute l’histoire. C’est à peu près comme s’il disait : N’imite point la témérité de Dathan, de peur de subir le châtiment infligé aux ennemis d’Aaron. Mais le roi Ozias n’y tint pas : tout gonflé de son orgueil, il entra dans le temple, et ouvrit le saint des saints, afin de sacrifier. Que fit Dieu ? Le prêtre avait été indignement bravé, la dignité du sacerdoce foulée aux pieds, le prêtre réduit à l’impuissance. Le prêtre, en effet, ne peut que faire des représentations et parler avec liberté ; il ne peut ni prendre les armes ni se couvrir du bouclier, ni brandir la lance, ni tendre l’arc, ni lancer la flèche. Les représentations du prêtre avaient donc échoué contre l’obstination du roi qui, lui, avait recours à la force et usait de son pouvoir. Alors le prêtre dit : J’ai fait ce que je pouvais faire, je suis impuissant désormais venez au secours du sacerdoce avili : les lois sont violées, les préceptes renversés. Que fait alors le bon Dieu ? Il punit le téméraire. « Et aussitôt une lèpre se montra sur son front. » Ce siège de l’effronterie devint le siège du châtiment.
Voyez-vous la douceur du châtiment divin ? Dieu ne lança point la foudre, n’ébranla point