mais sans précipitation, sans étourderie : il ne s’agit point ici du passage d’un roi : là, le tumulte est pardonnable : car les satellites n’attendent point que les curieux aient regardé tout à leur aise : avant qu’ils aient bien vu, ils les forcent de passer leur chemin. Ce n’est pas la même chose ici : un récit se laisse considérer, jusqu’à ce qu’on ait examiné tout ce qu’il est possible d’y voir. « Et les séraphins étaient debout tout autour de lui. » – Avant de nous faire connaître l’excellence de leur nature, il nous montre la dignité qu’ils tiennent du rang où ils sont placés. Il ne nous dit pas tout d’abord ce que sont les séraphins, mais à quel endroit ils se tiennent. Cette dernière distinction est supérieure à l’autre. Comment cela ? C’est que la grandeur de ces puissances paraît moins dans leur nature de séraphins, que dans la place qu’elles occupent auprès du trône royal. C’est ainsi que nous attribuons un grade plus élevé à ceux des satellites qui chevauchent tout près du char royal. De même, parmi les puissances incorporelles, celles-là jouissent d’une gloire particulière, qui sont le plus voisines du trône.
Voilà pourquoi le Prophète omettant de faire valoir leur excellence naturelle, nous parle d’abord de la prééminence de leur rang, sachant que c’est là leur principale parure et que de là vient leur beauté. En effet, leur gloire, leur honneur, leur sécurité parfaite consistent justement en ce qu’ils sont rangés autour du trône de Dieu. On peut remarquer la même chose au sujet des anges. Le Christ voulant montrer pareillement leur grandeur, ne se borne pas à dire qu’ils sont anges, ne s’en tient pas là : « Parce que », dit-il, « leurs anges voient éternellement le visage de mon Père qui est dans a les cieux. » (Mt. 18,10) De même que la distinction la plus haute attachée à la dignité d’ange, c’est de contempler le visage du Père de même, ce qui distingue particulièrement les séraphins, c’est d’être debout autour du trône, et d’avoir Dieu au milieu d’eux. Eh bien ! ce glorieux privilège, vous aussi, pour peu que vous le vouliez, vous êtes en état de l’obtenir. Ce ne sont pas seulement les séraphins qui voient Dieu au milieu d’eux : c’est nous-mêmes, dès que nous le voulons : « Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là au milieu d’eux. » (Mt. 18,20) Et encore : « Le Seigneur est près de ceux qui sont contrits de cœur, et il sauvera tes humbles d’esprit. » (Ps. 33,19) De là aussi ce cri de Paul : « Pensez aux choses du ciel où le Christ s’est assis à la droite de Dieu. » (Col. 3,2) Voyez-vous comme il nous range avec les séraphins, en nous rapprochant du trône royal ? Isaïe dit ensuite : « Six ailes à l’un, et six ailes à l’autre. » Que nous indiquent ces six ailes ? La sublimité, l’élévation, la légèreté, la célérité de ces êtres. Voilà pourquoi Gabriel aussi descend porté sur des ailes ; non que des ailes puissent convenir à une puissance incorporelle, mais pour indiquer qu’il descend des suprêmes hauteurs, et qu’il quitte le séjour d’en haut pour visiter la terre.
Mais que signifie maintenant le nombre de ces ailes ? Ici toute interprétation venant de nous serait oiseuse : car le texte s’explique lui-même, en nous faisant connaître l’usage de ces ailes : « Deux leur servaient à se voiler le visage. » Rien de plus naturel : c’était comme un double rempart qui protégeait leur vue contre l’insoutenable éclat qui jaillissait d’une telle gloire. – « Deux à voiler leurs pieds », peut-être par une conséquence de la même admiration. Nous aussi, quand nous sommes frappés de, surprise, nous avons coutume de voiler notre corps de toutes parts. Et pourquoi parler de notre corps, quand notre âme elle-même, sous l’empire de ce sentiment en présence des spectacles qui dépassent sa portée, replie ses forces, et se réfugie pour ainsi dire, dans les profondeurs de notre être, le corps devenant alors comme un manteau qui l’enveloppe de tous les côtés ? Mais n’allez pas, en m’entendant parler d’étonnement, de surprise, vous figurer des angoisses douloureuses : cet étonnement est mélangé d’une irrésistible allégresse. « Deux à voter », signe qu’ils aspiraient constamment à s’élever, et n’abaissaient jamais leurs regards. « Et l’un criait à l’autre : « Saint, saint, saint ! »
Ce cri est encore une marque de leur profonde admiration : ils ne se bornent pas à chanter, ils poussent des cris retentissants : et ce sont, en outre, des cris continus. Les beaux corps, quelle que soit leur beauté, ne nous causent d’abord qu’une muette surprise, au moment où nos yeux les aperçoivent : mais quand nos regards sont restés longtemps fixés sur ce spectacle, alors l’habitude, la connaissance que nos yeux ont dès lors de l’objet, qu’ils considèrent finit par triompher d’étonnement.
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