à Dieu votre allégresse par des cris ! » Que cette langue qui a servi à vos impuretés, qui a prononcé des blasphèmes, que cette langue répète avec des cris de joie l’hymne du triomphe. Les soldats, quand ils voient plier les bataillons ennemis, ont coutume non pas de continuer à combattre corps à corps, mais d’élever la voix tous ensemble pour achever d’abattre par leurs cris de victoire le courage de leurs ennemis, déjà ébranlé. Terminer la guerre en cessant d’employer la force, en se contentant de pousser des cris sans se servir de ses bras et de ses armes, n’est-ce pas la meilleure preuve d’une brillante victoire et du triomphe ?
2. C’est donc le Christ qui a tout fait : il a mis fin à cette guerre redoutable, il a enchaîné le puissant ennemi, il lui a ravi ses armes. Et comme il aime les hommes, il permet à ceux qui n’ont pas été à la peine de jouir des fruits de sa victoire et de ses trophées, il veut qu’ils se préparent à chanter l’hymne du triomphe comme ceux qui ont coopéré à la victoire. Écrions-nous donc de notre voix la plus éclatante : « ô mort, où est ton aiguillon ? Enfer, où est ta victoire ? » (1Cor. 15,55) Et. « Dieu est monté au ciel au milieu des cris d’allégresse (6). » Ainsi s’exprime notre psaume. Et ailleurs. « Tu remontas sur les hauteurs du ciel, tu as fait la captivité captive ; tu as reçu des présents parmi les hommes. » (Ps. 67,49 ; Eph. 4,8). Les Juifs eux aussi entonnèrent jadis un chant de triomphe quand l’armée des Égyptiens fut submergée : « Chantons le Seigneur », disaient-ils, « car il a fait éclater sa gloire. » (Ex. 15,1) Mais notre chant de triomphe est bien au-dessus du leur ; il célèbre non pas la chute des Égyptiens engloutis sous les flots, mais celle des démons, non pas la défaite de Pharaon, mais celle du diable : ce ne sont pas des armes sensibles qui ont été prises, mais c’est le mal qui a péri, non dans les vagues de la mer Rouge, mais dans les eaux du baptême où l’on prend une nouvelle vie : ce ne sont pas des Juifs qui se dirigent vers la Terre promise, mais des Chrétiens qui quittent la terre pour le ciel, ils ne mangent pas la manne (Ex. 16,14), mais ils se nourrissent du corps de leur Seigneur (Jn. 6,31), ils boivent, non pas l’eau qui coule du rocher, mais le sang qui jaillit du côté du Sauveur. (Ex. 17,6) Aussi est-il dit : « Battez des mains » parce que, débarrassés de votre prison de pierre et de bois, vous avez porté vos pas dans les cieux et dans les cieux des cieux, que vous vous êtes ténus debout devant le trône même du roi. « Poussez donc des cris d’allégresse » en l’honneur de Dieu c’est-à-dire, à lui vos actions de grâce, à lui tout l’honneur de la victoire, à lui tout l’honneur du triomphe ! Ce n’était pas une guerre semblable à celle que se font les hommes entr’eux, ce n’était pas un combat sensible, ce n’était pas une lutte entreprise pour conquérir des choses nécessaires à la vie du corps, c’était une lutte qui avait pour objet la conquête du ciel lui-même, la conquête des biens que contient le ciel. C’est lui qui dirigeait cette guerre, c’est lui qui nous permet de prendre part à sa victoire. « Car le Seigneur est le Très-Haut, le Dieu terrible, le grand Roi qui règne sur toute la terre. »
Où sont-ils maintenant ceux qui veulent détruire la gloire du Fils unique ? Voici qu’on dit du Fils ce qui a été dit du Père, on l’appelle grand roi : « Ne jurez pas », est-il dit, « ni par le ciel, parce que c’est le trône de Dieu, ni par Jérusalem, parce que c’est là ville du grand roi. » (Mt. 5,34, 35) Et ailleurs : « Il est le Dieu fort, le Dieu puissant. » (Is. 9,6) Ce qui se dit d’un roi. Quand donc vous entendrez dire que votre Seigneur a été mis en croix, qu’il a été enseveli, qu’il est descendu aux enfers, ne soyez pas abattus, ne vous désespérez pas : car il est très-élevé, il est très-élevé de sa nature. Or ce qui est naturellement élevé ne saurait déchoir de son élévation, et devenir bas et rompant : au milieu même de son abaissement, son élévation subsiste et se fait voir. Car c’est précisément après sa mort qu’il a montré surtout combien il était puissant contre la mort. « La lumière brille dans les ténèbres », est-il dit, « et les ténèbres ne l’ont pas comprise. » (Jn. 1,5) De même son élévation a brillé dans son abaissement. Voyez-le en effet ébranlant le monde du fond des enfers. Alors le soleil détourne ses rayons, les rochers se fendent, le voile du temple se déchire, la terre tremble, Judas se pend, Pilate et sa femme sont saisis d’effroi, le juge lui-même cherche à s’excuser. Quand donc vous entendrez dire qu’il a été lié et fouetté, ne rougissez pas : voyez plutôt comme il fait éclater sa force au milieu des fers. « Qui cherchez-vous ? » (Jn. 18,4) Il dit, et sa parole les renverse à ses pieds. Voyez-vous combien il est redoutable, lui
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