ont été regardés de tout le monde comme des ingrats et des scélérats, pour avoir chassé comme un adversaire et un ennemi, celui qui était venu leur apporter tant de biens. Et ce n’est point encore là tout le tort qu’ils se sont fait, ails ont en outre été exclus des dons et des grâces qu’ont obtenus ceux qui l’ont reçu. « Mais », dit saint Jean : « il a donné à tous ceux qui l’ont reçu le pouvoir d’être faits enfants de Dieu (12) ».
Pourquoi, ô bienheureux évangéliste, ne nous racontez-vous pas le supplice auquel ont été livrés ceux qui ne l’ont point reçu ? vous vous contentez de nous apprendre qu’ils étaient les siens, et que lé maître étant venu chez soi, les siens ne l’avaient point reçu, mais vous n’avez point ajouté, ni à quelle peine ils sont destinés, ni quel sera leur supplice. Cependant, si vous le leur aviez découvert, vous les auriez rendus plus timides et plus retenus, et par la menace que vous leur auriez faite, vous auriez pu amollir la dureté de leur cœur orgueilleux et superbe. Pourquoi donc êtes-vous demeuré dans le silence ? Mais est-il un plus grand supplice, répondra-t-il, que de n’avoir pas voulu soi-même être fait enfant de Dieu, en ayant reçu le pouvoir ; et de s’être volontairement privé d’une si éminente dignité et d’un si grand honneur ? et toutefois, de n’avoir pas reçu ce don et cette grâce, ce n’est point en cela seul que consiste le supplice qu’ils subiront, ils seront aussi jetés dans un feu qui ne s’éteindra point. L’évangéliste l’a dans la suite plus ouvertement déclaré.
En attendant, il raconte les biens ineffables que recevront ceux qui l’ont reçu, et il les explique dans ce peu de paroles : « Il a donné à tous ceux qui l’ont reçu le pouvoir d’être faits enfants de Dieu » : soit serviteurs, soit libres, soit Grecs, soit Barbares, soit Scythes, soit ignorants, soit savants, soit hommes, soit femmes, soit enfants, soit vieillards, soit ceux qui sont honorés, soit ceux qui sont méprisés, soit riches, soit pauvres, soit princes, soit particuliers : tous, dit-il, tous reçoivent le même honneur. La foi et la grâce du Saint-Esprit ôtant l’inégalité des conditions humaines, les réduit toutes en un même état, n’en fait qu’une seule, marquée du même sceau royal. Est-il rien d’égal à cette bonté ?
Un roi, formé de la même boue que nous, ne daigne pas enrôler dans son armée royale, s’ils ont été dans la servitude, ses pareils, ses semblables, dont beaucoup peuvent valoir mieux que lui : mais le fils unique de Dieu ne dédaigne pas d’écrire au livre de ses enfants les publicains, les magiciens, les esclaves et les plus vils de tous les hommes, avec une foule d’estropiés et d’infirmes. Tant est efficace la foi en Jésus-Christ ! tant sa grâce est grande et puissante l et de même que le feu n’a qu’à toucher un minerai pour en faire aussitôt de l’or : ainsi, et encore mieux, le baptême change la boue en or chez ceux qu’il purifie ; l’Esprit-Saint, comme un feu, tombant alors dans nos âmes et consumant l’image de boue, la refond, pour ainsi dire, et en forme une image nouvelle, céleste et brillante.
Et pourquoi l’évangéliste n’a-t-il pas dit : il les a faits enfants de Dieu, mais : « Il leur a donné le pouvoir d’être faits enfants de Dieu ? » C’est pour montrer que nous avons besoin de beaucoup d’attention et de soin pour conserver pure et sans tache l’image de l’adoption, qui a été imprimée en nous dans le baptême, et pour faire connaître en même temps que personne ne peut nous ôter ce pouvoir, si nous ne nous en dépouillons pas nous-mêmes les premiers. Si ceux qui ont reçu mandat des hommes pour traiter quelque affaire, ont presque autant de pouvoir que ceux qui leur ont donné commission, à combien plus forte raison nous, qui avons reçu de Dieu cette dignité, si nous ne faisons rien qui nous en rende indignes, serons-nous puissants et les plus puissants de tous les hommes, puisque celui qui nous y a élevés est lui-même tout ce qu’il y a de plus grand et de plus excellent. Saint Jean veut encore nous apprendre que la grâce même ne se répand pas indifféremment sur toutes sortes de personnes, mais seulement sur les hommes de bonne volonté : c’est à eux qu’est donné le pouvoir d’être faits enfants de Dieu : car s’ils ne le veulent point, ce don n’arrive pas, et l’effet est nul.
3. Partout le saint évangéliste rejette la nécessité pour y substituer le libre arbitre et la volonté c’est ce qu’il fait ici même. Car, dans ces mystérieuses opérations, une chose est de Dieu, c’est-à-dire, de donner la grâce ; l’autre est de l’homme, à savoir, de donner sa foi ; mais on a besoin ensuite d’une grande attention et de beaucoup de soin. Pour conserver la pureté de l’âme, il ne suffit pas seulement d’être baptisé et de croire, mais il faut,
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