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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/159

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troupe d’anges, répandue de tous côtés, le servait comme son Maître et chantait des hymnes à sa louange ; d’autres hérauts ont paru tout à coup, et s’étant tous rencontrés et joints ensemble, ils ont annoncé le grand et le profond mystère « de l’Incarnation n ; les anges l’ont annoncé aux pasteurs ; les pasteurs aux habitants de la ville ; Gabriel à Marie et à Élisabeth ; Anne et Siméon à ceux qui étaient dans le temple. Et non seulement les hommes et les femmes en ont eu une grande joie, mais encore l’enfant qui n’était pas encore sorti du ventre de sa mère ; je parle de cet habitant du désert qui, portant le même nom que notre évangéliste, tressaillit dans le sein maternel (Lc. 1,41) : tous soupiraient dans l’espérance de l’enfantement qui devait arriver. Voilà ce qui s’est passé dans le temps de l’avènement. Mais lorsque le Fils unique se fut davantage manifesté, d’autres miracles plus grands que les premiers éclatèrent. Ce n’est plus une étoile, ni le ciel, ni les anges et les archanges, ni Gabriel et Michel, c’est Dieu le Père lui-même qui l’annonce du haut des cieux, et, avec le Père, le Saint-Esprit qui descend et demeure sur lui (Mt. 3,15 ; Mc. 1,10 ; 2Pi. 2,27), etc ; c’est donc avec vérité que Jean a dit : « Nous avons vu sa a gloire ; sa gloire », dis-je, « comme du Fils a unique du Père ».
Et en s’exprimant ainsi, il ne pense pas seulement à ces choses, mais encore à celles qui les ont suivies. Car les pasteurs, les veuves et les vieillards ne sont plus les seuls à nous l’annoncer : la voix des événements, comme une trompette sonore, retentit à son tour, et si haut, que le son en parvient aussitôt jusqu’ici. « Sa réputation », dit l’Écriture, « s’est répandue par toute la Syrie (Mt. 4,24) ; elle l’a fait connaître à tout le monde. Tout publiait à haute voix que le Roi du ciel était arrivé. En effet, on voyait les démons fuir de toutes parts et céder la place ; le diable se retirer couvert de honte ; la mort même, la mort d’abord repoussée, ensuite vaincue et entièrement détruite : toutes sortes d’infirmités étaient guéries, les sépulcres renvoyaient les morts (Mt. 27,52), les démons laissaient tranquilles les possédés, les maladies quittaient les malades. C’est alors qu’on vit tous ces prodiges et ces miracles que les prophètes avaient désiré devoir, comme de juste, et qu’ils n’avaient point vus : c’est alors qu’on a vu des yeux se former et recevoir la lumière ; et Jésus-Christ faisant voir à tous, en un moment et dans la plus excellente partie du corps, ce qui est si curieux, ce que tous les hommes ont dû souhaiter de voir, comment Dieu a formé Adam de la terre[1]. De plus, on a vu des membres que la paralysie avait desséchés et comme détachés du corps, tout à coup rétablis et réunis aux autres ; des mains mortes reprendre le mouvement, des pieds perclus sauter à l’instant, des oreilles bouchées s’ouvrir, et une langue, auparavant muette, parler soudain avec grand bruit. Car tel qu’un habile architecte qui rétablit une vieille maison délabrée, Jésus-Christ a réparé la nature humaine : les pièces qui étaient brisées, il les a remplacées ; celles qui étaient désunies, il les a rejointes : il a relevé celles qui étaient absolument tombées.
Et que dirons-nous du rétablissement de l’âme, opération encore bien plus admirable que la guérison des corps ? Certes, la santé du corps est quelque chose de grand et de considérable ; mais celle de l’âme lui est supérieure et de toute la distance qui sépare l’âme du corps ; comme aussi, pour cette autre raison, qu’il est de la nature du corps de se mouvoir, selon qu’il plaît au Créateur, et d’aller sans résistance partout où il veut qu’il aille, tandis que l’âme qui est libre, et qui a le pouvoir et la liberté d’agir, n’obéit pas en tout à Dieu, si elle ne le veut pas. Car Dieu ne veut pas la rendre belle et vertueuse malgré elle, par force et par contrainte, parce que ce ne serait point là une vertu ; mais il veut la persuader librement et volontairement de devenir vertueuse et belle, ce qui est beaucoup plus difficile que l’autre guérison. Voilà pourtant ce qu’a fait Jésus-Christ. Toutes sortes de méchancetés et de maux ont été détruits. De même que, par les soins qu’il a donnés aux corps, il les a non seulement guéris, mais encore rétablis dans une parfaite santé : ainsi, non seulement il a tiré les âmes de l’abîme de la méchanceté et de la corruption, mais il les a élevées au comble même de la vertu. D’un publicain il a fait un apôtre : d’un persécuteur, d’un blasphémateur impie, l’instituteur de l’univers : les mages ont été les docteurs des

  1. Comme dans la guérison de l’aveugle-né, où Jésus-Christ ayant craché à terre et fait de la boue avec sa salive, il oignit de cette boue les yeux de l’aveugle et lui rendit la vue. (Jn. 9,6) Dans la résurrection du Lazare, et dans tous les autres miracles qu’il a opérés, etc. (Jn. 11)