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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/177

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l’injure que de la faire ; il ne leur eût pas dit « Pourquoi ne souffrez-vous pas plutôt les « injustices ? Pourquoi ne souffrez-vous pas « plutôt, qu’on vous trompe ? » (1Cor. 6,7) En quoi le saint apôtre fait bien voir qu’il savait parfaitement que le mal retombe sur celui qui le fait et non pas sur celui qui le reçoit.
C’est la jalousie des Juifs, mes frères, qui m’a inspiré cette digression. Ceux qui, sortant des villes, accouraient à Jean confessaient leurs péchés, étaient baptisés par lui, sont les mêmes qui, par une espèce de repentir de ce qu’ils venaient de faire, envoyent lui demander : « Qui êtes-vous ? » Vraie race de vipères, vrais serpents et quelque chose de pire, s’il est possible ; race méchante, adultère, pervertie ; quoi 1 après avoir reçu le baptême, tu t’inquiètes de savoir qui t’a baptisée ? Est-il une plus grande folie que la tienne ? Comment es-tu venue à lui ? Comment as-tu confessé tes péchés ? Comment es-tu accourue à celui qui baptise ? Comment lui as-tu demandé ce que tu devais faire ? Alors, tu n’as pas su ce que tu faisais, tu as agi inconsidérément, sans t’enquérir de la première chose qu’il t’importait de savoir. Mais saint Jean ne leur en a pas dit un seul mot, ni fait le moindre reproche ; au contraire, il leur a répondu avec la plus grande douceur.
Mais pourquoi ? Cherchons maintenant à le découvrir ; il faut en pénétrer la raison. La méchanceté des Juifs en éclatera davantage aux yeux de tout le monde. Souvent saint Jean-Baptiste leur a rendu témoignage de Jésus-Christ ; souvent il leur en parlait en les baptisant, et leur disait : « Pour moi, je vous baptise dans l’eau, mais celui qui doit venir après moi est plus puissant que moi. C’est lui qui vous baptisera dans le Saint-Esprit et dans le feu ». (Mt. 3,11) Ils ont donc été dupes, en ce qui concerne Jean d’une illusion toute humaine. Ayant en vue la gloire du monde, et ne s’attachant qu’à ce qui se présentait à leurs yeux, ils croyaient qu’il était indigne de lui d’être inférieur à Jésus-Christ. En effet, plusieurs choses relevaient saint Jean : premièrement, son illustre naissance : il était fils d’un prince des prêtres ; en second lieu, sa vie dure et austère, son mépris pour toutes les choses de ce monde ; par exemple, son vêtement, sa table, sa maison, le peu de soin qu’il avait de sa nourriture, le désert qu’il habitait auparavant. Jésus-Christ, au contraire, était de basse naissance, ce que souvent ils lui reprochaient en ces termes « N’est-ce pas le fils de ce charpentier ? Sa mère ne s’appelle-t-elle pas Marie, et ses frères Jacques et Joseph ? » (Mt. 13,55) Et encore : la ville, qu’on regardait comme sa patrie, était dans un si grand mépris, que Nathanaël même disait : « Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ? » (Jn. 1,46)
Ajoutons qu’il vivait comme tout – le monde et que ses vêtements n’avaient rien de particulier. Il ne portait pas une ceinture de cuir autour des reins, son vêtement n’était pas de poils de chameau, il ne se nourrissait pas de sauterelles et de miel sauvage. Son genre de vie ne le distinguait en rien des autres hommes ; il s’asseyait quelquefois à la table d’hommes pervers, de publicains, afin de les gagner. Mais les Juifs ne pénétrant point la sagesse de cette conduite, la lui reprochaient, comme il le dit lui-même : « Le Fils de l’homme est venu mangeant et buvant, et ils disent : voilà un homme qui aime à faire bonne chère et à boire du vin, il est ami des publicains et des gens de mauvaise vie ». (Mt. 9,19)
Or, comme Jean-Baptiste ne cessait de renvoyer les Juifs à Jésus-Christ, qui leur paraissait inférieur à lui, quoiqu’ils en eussent de la honte et du chagrin, aimant mieux l’avoir lui-même pour docteur, ils n’osèrent pas néanmoins le déclarer ouvertement ; mais ils députèrent des gens vers lui dans l’espérance de l’engager par cette flatterie à confesser qu’il était le Christ ; et ils ne lui envoyèrent pas des hommes de basse condition, comme à Jésus-Christ, lorsque, voulant le surprendre dans ses paroles, ils dépêchèrent auprès de lui des serviteurs, des hérodiens (Mt. 22,15-16) et d’autres hommes de cette espèce ; mais des prêtres et des lévites ; et encore, non toute sorte de prêtres, mais des prêtres de Jérusalem, c’est-à-dire les plus considérables et les plus honorables ; car ce n’est pas sans raison que l’évangéliste l’a remarqué. Ils les envoient donc pour lui demander : « Qui êtes « vous ? » En effet, la naissance de Jean-Baptiste était si illustre et si célèbre que tous disaient : « Quel pensez-vous que sera un jour « cet enfant ? » (Lc. 1,66) Et que « le bruit de ces merveilles se répandit dans tout le pays des montagnes de Judée ». (Lc. 1,65)