w Je suis venu baptiser, afin qu’il soit connu dans Israël ».
3. Il est donc évident que les miracles qu’on attribue à Jésus-Christ dans son enfance sont faux, et qu’ils ont été inventés et imaginés. Si Jésus avait fait des miracles dès son enfance, Jean l’aurait connu, et tout le reste du peuple n’aurait pas eu besoin d’un docteur pour le lui faire connaître. Or, voici que Jean dit lui-même que s’il est venu, c’était afin que Jésus fût connu dans Israël, et c’est pour cela aussi qu’il disait : « C’est moi qui dois être baptisé par vous ». Ensuite, comme le connaissant mieux, il l’annonce au peuple, en disant : « C’est celui-là même de qui j’ai dit : Il vient a après moi un homme qui est avant moi, et qui m’a envoyé baptiser dans l’eau ». Il a envoyé Jean pour se faire connaître dans Israël, et lui-même s’est révélé à Jean avant la descente du Saint-Esprit. Voilà pourquoi celui-ci disait avant que Jésus fût venu à lui : « Celui qui est avant moi vient après moi ». Jean ne le connaissait donc pas avant qu’il vînt auprès du Jourdain, et qu’il baptisât tout le peuple mais il le connaissait quand il vint pour se faire baptiser. Le Père lui-même le révéla au prophète, et le Saint-Esprit le fit connaître aux Juifs pendant qu’on le baptisait. Car c’est pour eux que le Saint-Esprit descendit. En effet, de peur qu’on ne méprisât le témoignage de Jean qui disait : « Il est avant moi », et : « Il baptise dans le Saint-Esprit », et : « Il jugera le monde » ; le Père annonçant son Fils fit entendre sa voix ; le Saint-Esprit vint, qui fit tomber cette voix sur la tête de Jésus-Christ. Comme Jean baptisait, comme Jésus était baptisé, quelqu’un de ceux qui étaient présents aurait pu croire que c’était à Jean que s’appliquaient ces paroles ; le Saint-Esprit vint ôter ce soupçon. Lors donc que Jean dit : « Je ne le connaissais pas », il faut entendre cela du temps passé, et non de celui qui avait précédé immédiatement le baptême ; autrement, comment se serait-il défendu en disant : « C’est moi qui dois être baptisé par vous ? » Comment aurait-il dit de lui de si grandes choses ?
Pourquoi donc, direz-vous, les Juifs n’ont-ils point cru en Jésus-Christ ? Jean n’était pas le seul qui eût vu le Saint-Esprit sous la figure d’une colombe. Qu’ils l’aient vu, je veux bien l’admettre. Toutefois ces prodiges, pour être bien vus, n’ont pas tant besoin des yeux du corps que des yeux de l’âme : autrement on les regarde comme de vaines illusions et de pures imaginations. Si les Juifs, quand ils ont vu Jésus-Christ faire des miracles, quand ils l’ont vu toucher de ses mains les corps des malades et des morts, et les rappeler à la vie, à la santé, par le seul attouchement, ont été tellement possédés de l’ivresse de l’envie, qu’ils n’ont pas craint de publier le contraire de ce qu’ils venaient de voir, comment se seraient-ils guéris de leur incrédulité pour une simple apparition du Saint-Esprit ? Mais quelques-uns répondent que tous n’ont pas vu ces choses, mais seulement Jean et ceux qui étaient dans de bonnes dispositions. Quoiqu’en effet tous ceux qui avaient des yeux pussent voir le Saint-Esprit descendre en forme de colombe, il ne s’ensuit pas pourtant de là que tous l’aient manifestement vu. Zacharie, Daniel et Ézéchiel, ont vu bien des choses sous des figures sensibles, et toutefois ils n’ont point eu de compagnons ni de témoins de leurs visions. Moïse aussi a vu bien des choses, et de telles choses que nul autre que lui ne les a vues. Tous les disciples n’ont pas été jugés dignes de voir la transfiguration de Notre-Seigneur sur la montagne : bien plus, tous n’ont pas vu sa résurrection. Saint Luc le déclare en disant : « Il s’est montré aux témoins que Dieu avait choisis avant tous les temps ». (Lc. 10,41)
« Je l’ai vu », dit saint Jean : « et j’ai rendu témoignage qu’il est le Fils de Dieu (34) ». Mais où l’a-t-il rendu ce témoignage qu’il est le Fils de Dieu ? Il l’a appelé Agneau et il a dit qu’il devait baptiser dans le Saint-Esprit, mais jamais il n’a dit qu’il était le Fils de Dieu. D’ailleurs les autres évangélistes écrivent qu’il a cessé de prêcher après le baptême, et passant sur ce qui s’est fait dans cet intervalle de temps, ils rapportent les miracles que Jésus a opérés après que Jean-Baptiste fut pris et mis en prison. D’où nous pouvons conjecturer qu’ils ont passé sous silence ces choses et bien d’autres encore. (Jn. 21,25) Saint Jean lui-même nous en avertit à la fin de son Évangile ; les évangélistes ont été si éloignés de rien inventer à la gloire de Jésus-Christ, qu’au contraire, ce qui paraissait le rabaisser, ils l’ont tous rapporté comme de concert, et l’on ne trouvera pas qu’aucun d’eux en ait rien omis ; mais, à l’égard des miracles, quelques-uns n’ont point parlé de ceux dont les
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