comme il veut qu’on les répande, il permet que nous les ayons, afin que nous nous en fassions largesse mutuellement. Que si nous les retenons dans nos maisons, nous n’en sommes donc plus les maîtres.
Mais si vous voulez les accroître, et si c’est pour cela que vous les gardez, ce sera sûrement un excellent moyen de les augmenter que de les distribuer et de les répandre de toutes parts[1]. En effet, nul gain sans frais ; toujours il en coûte pour s’enrichir : ce qui se passe tous les jours dans nos affaires temporelles le montre assez. Ainsi font le marchand et le laboureur ; celui-ci répand sa semence, celui-là son argent : l’un va sur mer et dépense, l’autre, durant toute l’année, s’occupe à semer et à cultiver ce qu’il a semé.
Dans le commerce que je vous propose, vous n’avez pas besoin d’équiper des vaisseaux, d’atteler des bœufs, de labourer la terre, vous n’avez pas à observer le temps, ni les saisons, vous n’avez pas la grêle à craindre. Sur cette mer on ne rencontre ni flots, ni rochers, ni écueils. Cette navigation, ce labourage ne requièrent de vous qu’une seule chose : c’est de répandre vos biens. Le vigneron, celui dont Jésus-Christ dit : « Mon Père « est le vigneron » (Jn. 15,1), fera tout le reste. Ne serait-il pas très-ridicule de croupir dans la paresse et la fainéantise lorsqu’il ne s’agit que de récolter sans prendre aucune peine, et de prodiguer ses soins, son activité, ses sueurs, ses préoccupations, pour un résultat qui peut tromper nos espérances ? Ne tombons donc pas dans une si grande folie, je vous en conjure, mes frères, il s’agit de notre salut ; laissons ce qui est le plus pénible, et courons à ce qui est aisé et utile ; afin que nous acquérions les biens futurs, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui la gloire soit au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
HOMÉLIE XX.
LE LENDEMAIN JÉSUS VOULANT S’EN ALLER EN GALILÉE, TROUVA PHILIPPE, ET IL LUI DIT : SUIVEZ-MOI. PHILIPPE ÉTAIT DE LA VILLE DE BETHSAÏDE, D’OÙ ÉTAIENT AUSSI ANDRÉ ET PIERRE. (VERS. 43, 44, JUSQU’AU VERS. 49)
ANALYSE.
- 1. Vocation de Philippe. – D’une seule parole, Jésus l’entraîne à sa suite. – Philippe amène Nathanaël à Jésus.
2 Caractère de Nathanaël, sa prudence ; comment il est amené à la foi.
- 3. Les fidèles sont dans l’obligation de faire tout ce que Jésus-Christ veut et demande d’eux. – La joie d’avoir, connu Jésus consiste à lui obéir. – Il faut le nourrir quand il a faim, lui donner à boire quand il a soif. – Il ne rejettera point nos présents, quelque petits qu’ils soient. – L’ami reçoit avec plaisir tout ce que lui donne son ami, quelque peu considérable qu’il soit. – L’amour se montre non par les paroles, mais par les œuvres.
1. Tout homme qui cherche avec soin fait quelque profit[2] : comme, il est écrit dans les Proverbes. Mais Jésus-Christ fait entendre quelque chose de plus, en disant : « Qui cherche, trouve ». (Mt. 7,8) Aussi y a-t-il lieu d’admirer que Philippe ait suivi Jésus-Christ. André vint à lui après avoir ouï Jean et Pierre après avoir entendu André. Mais Philippe, sans avoir rien appris de personne, seulement sur ce que Jésus-Christ lui dit : « Suivez-moi », obéit sur-le-champ pour ne le plus quitter et l’annoncer lui-même aux
- ↑ Celui qui a pitié du pauvre, prête au Seigneur à usure, et il lui rendra ce qu’il lui aura prêté. (Prov. 19,17)
- ↑ Ou bien, selon l’hébreu : « Dans tout travail sera le profit » : ou comme la Vulgate : « Partout où l’on travaille, là est l’abondance ».