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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/239

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les disciples de Jésus étaient plus dignes de baptiser que lui, si, lorsqu’ils commencèrent, il eût lui-même cessé. Pour quelle raison donc baptisait-il ? Ce fut pour ne leur pas attirer plus d’envie et de plus grandes disputes. En effet, si, publiant souvent ce qu’était Jésus-Christ, lui cédant la première place et se déclarant inférieur à lui, il ne persuada pas pour cela les Juifs que c’était à lui qu’ils devaient aller ; s’il eût, dis-je, cessé de baptiser, il les aurait encore plus émus et les aurait rendus plus opiniâtres. Voilà pourquoi Jésus-Christ commença principalement à prêcher après la mort de Jean-Baptiste. Au reste, je crois qu’il ne vécut pas longtemps, afin que les esprits de cette multitude se réunissent et se tournassent tous vers Jésus-Christ, et qu’ils ne fussent plus partagés entre l’un et l’autre. De plus, Jean-Baptiste, pendant qu’il baptisait, ne cessait point de les exhorter à aller trouver Jésus-Christ et de leur rendre de grands témoignages de lui. D’ailleurs il baptisait au nom de celui qui devait venir après lui, afin qu’ils crussent en lui. Si donc celui qui prêchait ainsi Jésus-Christ eût discontinué de baptiser, comment aurait-il fait connaître l’excellence et la supériorité des disciples de Jésus ? N’aurait-on pas cru, au contraire, que c’était par jalousie ou par dépit qu’il ne baptisait plus ? Mais en continuant il confirme et fortifie ce qu’il a dit. Car il ne cherchait pas à s’acquérir de la gloire, mais il envoyait ses auditeurs à Jésus-Christ. Et il ne le servait pas moins que les disciples, ou plutôt encore plus, attendu que son témoignage était moins suspect et que sa réputation l’emportait dans l’esprit de tout le monde sur celle des disciples. L’évangéliste voulant nous le faire entendre, disait : « Toute la Judée et tout le pays des environs du Jourdain allaient le trouver, et ils étaient baptisés par lui ». (Mt. 3,5) Quoique les disciples de Jésus baptisassent, le peuple ne cessait pas d’accourir en foule à Jean-Baptiste.

Que si quelqu’un demande en quoi le baptême des disciples était supérieur à celui de Jean nous répondrons en rien, car l’un et l’autre était dénué de la grâce du Saint-Esprit, et les uns et les autres n’avaient tous qu’un seul et même motif : c’était d’envoyer à Jésus-Christ ceux qu’ils baptisaient. En effet, afin de n’être pas obligés de courir de toutes parts, pour chercher et assembler ceux qui devaient croire en Jésus-Christ, comme André qui avait amené Simon, et Philippe Nathanaël, ils résolurent et convinrent de baptiser, afin que par le baptême ils pussent sans peine et sans travail les attirer à Jésus-Christ, et préparer le chemin à la foi qu’il devait prêcher ; mais que ces baptêmes n’eussent aucun avantage l’un sur l’autre, les paroles qui suivent le font voir.

Quelles sont ces paroles ? « Il s’excita une dispute entre les disciples de Jean et un Juif[1], touchant la purification[2] (25) ». Et cela n’est pas surprenant, puisque les disciples de Jean portaient continuellement envie aux disciples de Jésus-Christ, ou plutôt à Jésus-Christ même : lorsqu’ils les virent baptiser, ils commencèrent dès lors à parler à ceux qu’ils baptisaient pour leur insinuer que leur baptême, à eux, avait une supériorité sur celui des disciples de Jésus-Christ, et s’étant approchés de quelqu’un de ceux qui venaient d’être baptisés, ils tâchèrent de le lui persuader et ne le purent pas : mais l’évangéliste fait clairement entendre que ce sont les disciples de Jean et non pas ce Juif, qui ont excité cette dispute : car il ne dit pas qu’un certain Juif leur avait demandé leur avis ; mais il dit que la question touchant la purification d’où vint la dispute, fut agitée par les disciples de Jean avec un Juif.

2. Faites attention, je vous prie, mes frères, à la douceur et à la retenue de l’évangéliste. Il ne prend point de parti, il ne s’emporte ni contre les uns, ni contre les autres ; mais autant qu’il le peut, il diminue la faute, disant seulement qu’il s’éleva une dispute. Toutefois, la suite fait bien voir que c’est par jalousie que ces disciples avaient excité la dispute ; mais il le rapporte encore avec bien de la modération, car il dit : « Ils vinrent trouver Jean et lui dirent : Maître, celui-là qui était avec « vous au-delà du Jourdain, auquel vous avez « rendu témoignage, baptise maintenant et tous vont à lui (26) ». C’est-à-dire celui que vous avez baptisé ; car c’est ce que signifie ce mot : a Celui auquel vous avez rendu témoignage » ;

  1. « Un Juif », saint Chrysostome dit : μετὰ ιουδαίου, et plusieurs exemplaires lisent de même. Notre Vulgate dit : « Les Juifs ». Au reste, il est facile de concilier cette petite différence ; parce qu’il est assez vraisemblable que la contestation ayant d’abord été commencée par un Juif qui avait reçu le baptême de Jésus-Christ, passa aux autres et devint générale.
  2. « La Purification », autrement « le Baptême », qui est appelé « Purification », parce que les Juifs le mettent au nombre des purifications légales, On peut aussi appeler le baptême « purification » parce que le propre effet du baptême est de purifier.