Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/291

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manière conforme à sa dignité, les Juifs n’auraient point reçu sa parole, puisque souvent même, pour quelques paroles plus dignes de sa grandeur, ils le persécutaient et jetaient des pierres sur lui. Que si, en vue d’eux, il eût toujours dit des choses grossières et humiliantes, plusieurs, dans la suite, s’en seraient scandalisés, et cela aurait été préjudiciable à leur salut ; c’est pour cette raison que le Sauveur mêle dans sa doctrine du grand et du simple : du simple, comme j’ai dit, pour imposer silence aux Juifs ; du grand, pour dévoiler la dignité de sa personne et retirer de la basse idée qu’on avait de lui, ceux qui avaient du sens et de la raison, faisant assez connaître que les choses humaines et grossières qu’il disait, ne lui convenaient nullement : car être envoyé marque un passage d’un lieu à un autre. ET DIEU EST PARTOUT.
Pourquoi dit-il donc qu’il a été envoyé ? Jésus-Christ use de paroles plus grossières lorsqu’il veut montrer sors unité de sentiment et de volonté avec le Père. Et c’est pour la même raison qu’il tempère ce qui suit : « En vérité, en vérité je vous dis que celui qui entend ma parole et croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle (24) ». Ne remarquez-vous pas que, pour détruire entièrement ce soupçon des Juifs, qu’il était contraire à Dieu, il répète très-souvent la même chose qu’ici, et dans ce qui suit, et par les menaces, et par les promesses, il leur ôte tout lieu de contester et de chicaner ; et qu’encore ici il se rabaisse extrêmement par la simplicité et la grossièreté des expressions dont il se sert ? Il n’a point dit : Celui qui entend ma parole et qui croit en moi ; ils auraient regardé ces paroles comme fastueuses et dictées par une vaine jactance. En effet, si, après leur avoir donné tout le temps de le connaître, après avoir opéré tant de miracles, il s’exposait, en usant de paroles élevées, à se faire accuser par eux d’orgueil et de vanité, à combien plus forte raison en eût-il été de même alors. C’est pourquoi ils lui disaient : « Abraham est mort et les prophètes aussi ; comment dites-vous : « Celui qui gardera ma parole ne mourra jamais ? » (Jn. 8,51) Écoutez donc ce qu’il dit pour les empêcher de se laisser emporter à la colère : « Celui qui entend ma parole et qui croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle ». Ils devaient être plus disposés à écouter, en l’entendant dire que ceux qui l’écoutaient croyaient au Père : admettant cela volontiers, ils devaient être plus portés dès lors à croire tout le reste. C’est ainsi qu’en disant quelque chose de simple et d’aisé à comprendre, Jésus préparait le chemin aux vérités plus élevées et plus sublimes.
Jésus-Christ dit : « Il a la vie éternelle » ; à quoi il ajoute aussitôt : « Et il ne vient point en jugement, mais il est déjà passé de la mort à la vie ». Joignant ainsi ces deux choses ensemble, il gagne la confiance, il persuade, et parce qu’il disait qu’il fallait croire au Père, et parce qu’à celui qui croirait il lui promettait de grands biens. Au reste, ces paroles : « Il ne vient point en jugement », signifient : il n’est point condamné, il n’est point puni ; la « mort » ne doit point s’entendre de la mort naturelle, mais de la mort éternelle ; et de même pour la vie, il ne s’agit point de la vie terrestre, mais de la vie immortelle.
« En vérité, en vérité, je vous dis que l’heure vient et qu’elle est déjà venue, que les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et que ceux qui l’entendront vivront (2) ». Jésus-Christ prouve ce qu’il dit par les œuvres mêmes, car ayant dit : « Comme le Père ressuscite les morts et leur rend là vie, ainsi le Fils donne la vie à qui il lui plaît » ; afin qu’on ne pense pas que c’est par orgueil et par vanité qu’il parle de la sorte ; ce qu’il avance, il le prouve par les œuvres en disant : « L’heure vient ». Ensuite, pour que vous ne croyiez pas qu’il y aura beaucoup à attendre, il ajoute : « Et elle est déjà venue, que les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et que ceux qui l’entendront vivront ». Ne voyez-vous pas ici, mes frères, cette autorité et cette puissance ineffable ? Ce qui arrivera dans la résurrection, dit-il, arrivé de même dès maintenant. Alors la voix éclatante de celui qui commande s’étant fait entendre, tous ressusciteront. « Au signal que Dieu aura donné », dit l’Écriture, « les morts ressusciteront ». (1Thes. 4,46) Et qu’est-ce qui prouve, direz-vous, que ce ne sont point là de vaines et de fastueuses paroles ? Ce qui suit : « L’heure est déjà venue ». Si Jésus-Christ n’avait prédit que des choses éloignées, on aurait été dans le doute et dans la défiance ;.mais il fournit le moyen de vérifier ce qu’il avance. Moi demeurant, vivant avec vous, dit-il, cela arrivera. S’il n’eût pas eu le pouvoir de réaliser sa promesse, il n’aurait pas promis, de peur de paraître ridicule à