Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/319

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frères, comment tous ces malheurs sont arrivés aux Juifs. Dans leur voracité, ils ne pensent qu’aux biens temporels et nullement aux biens spirituels. Jésus-Christ, par des paroles mêlées de reproche et de douceur, veut les tirer de leur assoupissement, et toutefois ils ne se réveillent point, mais ils restent encore couchés par terre. Faites-y attention, je vous prie, le Sauveur leur avait dit : « Vous me cherchez, non à cause des miracles que vous avez vus, mais parce que je vous ai donné du pain à manger et que vous avez été rassasiés ». Par ce reproche, il les aiguillonne, il les pique ; il leur fait connaître la viande qu’ils doivent chercher, en leur disant : « Travaillez » pour avoir, « non la pourriture qui périt ». A quoi il ajoute la promesse de cette récompense : « Mais celle qui demeure pour la vie éternelle ». Ensuite il prévient leur objection, en disant que le Père l’a envoyé. Que répondent-ils donc ? Ils parlent comme s’ils n’avaient rien ouï : « Que ferons-nous », disent-ils, « pour faire des œuvres de Dieu ? » Au reste, ils lui font cette demande, non pour apprendre et pour faire ce qu’ils auront appris, comme la suite le fait voir, mais pour l’engager à leur donner encore à manger et à les rassasier de nouveau. Que leur dit Jésus-Christ ? « L’œuvre de Dieu est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé ». A quoi ils répondent : « Quel miracle faites-vous, afin que le voyant nous vous croyions ? Nos pères ont mangé la manne dans le désert ». On ne saurait voir pareille folie, pareille démence. Ils avaient encore devant leurs yeux le miracle des pains, et comme si Jésus n’en avait point fait, ils disaient : « Quel miracle faites-vous ? » Ils ne lui laissent même pas le choix du miracle, mais ils prétendent lui imposer la loi de n’en point faire d’autres que celui qui avait été fait au temps de leurs pères. « C’est pourquoi ils disent : « Nos pères ont mangé la manne dans le désert ». Par là ils espèrent le porter à faire un de ces miracles qui leur donne de quoi les nourrir charnellement.
En effet, pourquoi, de tous les anciens miracles, ne rappellent-ils que celui-là seul, quoiqu’alors Dieu en eût beaucoup fait dans l’Égypte, dans la mer, dans le désert, et ne font-ils mention que de celui de la manne ? N’est-ce point parce qu’ils obéissaient en esclaves à leur gourmandise ? Mais pourquoi, vous qui l’avez appelé prophète, qui avez voulu le faire roi pour avoir vu un miracle, maintenant, comme s’il n’avait rien fait pour vous, êtes-vous ingrats et infidèles envers lui et lui demandez-vous un miracle, criant comme des Parasites et hurlant comme des chiens affamés ? Quoi ! maintenant que votre âme tombe en défaillance, vous parlez avec admiration du miracle de la manne ? Remarquez l’ironie, ils ne disent pas : Moïse a fait ce miracle ; vous, que faites-vous ? de crainte de l’irriter ; mais ils lui adressent la parole avec beaucoup d’honnêteté et de respect, dans l’attente qu’il leur donnera à manger. Ils ne disent pas non plus : Dieu a fait ce miracle, mais vous, que faites-vous ? de peur qu’ils ne parussent l’égaler à Dieu ; et aussi, ils ne nomment pas Moïse, de peur qu’on ne croie qu’ils le mettent au-dessous de Jésus-Christ, mais ils lui présentent cet exemple : « Nos pères ont mangé la manne dans le désert ». Or Jésus-Christ leur pouvait répondre : Je viens de faire à l’instant un plus grand miracle que celui de Moïse, et je n’ai eu besoin ni d’une verge, ni de prières, mais j’ai tout fait par moi-même. Vous exaltez le miracle de la manne, et moi, je viens de vous donner du pain. Mais il n’était pas alors temps de parler ainsi : Jésus-Christ n’avait en vue que de les attirer et les engager à lui demander la viande spirituelle.
Observez, mes frères, avec quelle prudence Jésus leur répond : « Moïse ne vous a point donné le pain du ciel, mais c’est mon Père qui vous donne le véritable pain du ciel (32). » Pourquoi n’a-t-il pas dit : Ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain, mais c’est moi qui vous l’ai donné ? Pourquoi, au lieu de Moïse, a-t-il nommé Dieu, et s’est-il nommé lui-même au lieu de la manne ? C’est parce qu’il avait affaire à des auditeurs fort simples et fort grossiers, comme il y paraît par ce qui suit. Car ces paroles qu’il avait dites au commencement : « Vous me cherchez, non à cause des miracles que vous avez vus, mais parce que je vous ai donné du pain à manger et que vous avez été rassasiés », ne furent pas capables de les retenir et de réprimer leur gourmandise. Comme donc ils ne cherchaient uniquement qu’à manger, il les en reprit, mais ils ne se corrigèrent point et ne cessèrent pas de demander.
Quand Jésus-Christ promit à la Samaritaine de lui donner de l’eau, il ne lui nomma point le Père, mais il lui dit : « Si vous connaissiez