où je suis (34) ». Or, s’il avait dû demeurer dans la mort, sûrement ils auraient pu l’y aller joindre, car la mort est un pays où nous allons tous. Ainsi, par ces paroles, Jésus gagnait les plus simples, il retenait dans la crainte et le respect les plus violents et les plus emportés, et ceux qui étaient le plus soigneux de s’instruire, il les excitait à se hâter de venir l’écouter, parce qu’il né devait plus rester ici-bas que peu de temps, et qu’ils n’auraient pas toujours le bonheur d’entendre une si excellente et si admirable doctrine ? Le Sauveur n’a pas dit seulement : Je suis ici, mais encore : « Je suis avec vous », c’est-à-dire, dussiez-vous me persécuter, me tourmenter, je ne cesserai pas un seul moment d’avoir soin de vous et de vous prêcher ce qu’il vous est nécessaire de savoir pour votre salut.
« Et je vais » ensuite « vers Celui qui m’a envoyé ». Ces paroles pouvaient les épouvanter et les inquiéter. Car il leur prédit qu’ils auraient besoin de lui. Vous me chercherez, dit-il, non seulement vous ne m’oublierez pas, mais encore « vous me chercherez et vous ne me trouverez point ». Et quand les Juifs l’ont-ils cherché ? Saint Luc rapporte que les femmes l’avaient pleuré (Lc. 23,27), et il est probable que beaucoup d’autres, et sur le moment, et lors de la ruine de Jérusalem, souhaitèrent la présence de Jésus-Christ par le souvenir qu’ils avaient de lui et de ses miracles. Au reste, le divin Sauveur dit toutes ces choses pour les attirer et les gagner. En effet, le peu de temps qu’il devait être avec eux, le regret qu’ils auraient de lui, après qu’il s’en serait allé, lorsqu’ils ne pourraient plus le trouver ; c’était là de quoi les engager à s’attacher à lui pour profiter de ces derniers moments. S’il ne devait pas arriver qu’ils regrettassent sa présence, ce qu’il leur disait n’avait rien d’extraordinaire, ni d’intéressant : si, au contraire, ils devaient souhaiter sa présente, sans qu’il leur fût impossible de le retrouver, ce qu’il leur disait n’aurait pas été capable de les troubler et de les inquiéter si fort.
3. Et encore, s’il avait dû demeurer beaucoup de temps avec eux, peut-être seraient-ils devenus indolents et paresseux. Mais, par ce discours, maintenant il les presse de toutes parts, et il les effraie. Ces paroles : « Je vais vers Celui qui m’a envoyé », leur font connaître qu’il n’a rien à craindre de leurs pièges, et qu’il souffrira la mort volontairement. Jésus-Christ a donc prédit deux choses : et qu’il s’en irait dans peu, et qu’ils ne pourraient le venir trouver : certes, il est au-dessus de l’esprit humain de prédire ainsi sa mort. Écoutez ce que dit David : « Faites-moi connaître, Seigneur », quelle est « ma fin, et quel est le nombre de mes jours, afin que je sache ce qui m’en reste » encore. (Ps. 38,5-6) C’est là sûrement ce que personne ne sait : au reste, Jésus-Christ confirme l’une des choses par l’autre : « La prédiction qu’ils ne le trouveraient point, par celle de sa mort ». Pour moi, je pense que le Sauveur dit énigmatique ment ceci aux archers, et que ces paroles les regardent, qu’il les leur adresse pour les gagner tout à fait, leur faisant connaître qu’il savait pourquoi ils étaient venus, comme s’il leur disait.: attendez un peu, et après j’irai avec vous.
« Les Juifs disaient donc entre eux : où est-ce qu’il ira (35) ? » Cependant des gens qui auraient désiré avec passion qu’il s’en allât, et fait tout ce qu’ils pouvaient pour ne l’avoir plus devant leurs yeux, n’auraient pas dû s’enquérir de ceci, mais dire : nous nous réjouissons que vous vous en alliez : et quand cela arrivera-t-il ? Mais ces paroles les inquiètent ; voilà pourquoi ils se demandent les uns aux autres, dans la faiblesse de leur esprit : où est-ce qu’il s’en ira ? « Ira-t-il vers la dispersion des gentils ? » Que signifie cela ? « Vers la dispersion des gentils ? » C’est ainsi que les Juifs appelaient les gentils, parce qu’ils étaient dispersés partout, et qu’ils se mêlaient librement les uns avec les autres. Dans la suite, les Juifs ont aussi souffert la même confusion et la même ignominie : car ils sont eux-mêmes devenus une dispersion. Autrefois, toute la nation était unie ensemble dans un même lieu, et l’on n’aurait pu trouver un Juif autre part que dans la Palestine : voilà pourquoi les Juifs appelaient les gentils la dispersion : c’était un reproche qu’ils leur faisaient, se glorifiant d’être tous réunis ensemble, et s’en applaudissant extrêmement.
Que veulent donc dire ces paroles : « Vous ne pouvez venir où je vais », et dans un temps auquel les Juifs se mêlaient partout avec les gentils dans le monde entier ? Si Jésus-Christ avait voulu désigner les gentils, il n’aurait pas dit : je vais où vous ne pouvez venir. Niais lorsque les Juifs dirent : « Ira-t-il vers la
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