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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/377

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elle point pour cela du corps ? » (1Cor. 3,16) Tout ce qui est en nous manifeste la divine puissance de celui qui l’a formé ; mais l’œil la fait beaucoup plus éclater, puisque c’est lui qui gouverne tout le corps, qui en fait la beauté, qui est le bel ornement du visage, et la lampe qui éclaire tous les membres. L’œil est au corps ce qu’est le soleil au monde. Si vous éteignez la lumière du soleil, vous mettez tout dans le trouble et la confusion, vous perdez tout. Si vous éteignez les yeux, les pieds et les mains sont inutiles, l’âme l’est aussi. La perte des yeux entraîne avec soi la ruine de la raison. En effet, c’est par eux que nous sommes parvenus à la connaissance de Dieu. « Car les perfections invisibles de Dieu sont devenues visibles depuis la création du monde, par la connaissance que ses créatures nous en donnent ». (Rom. 1,20) L’œil n’est donc pas seulement la lampe du corps (Mt. 6,22 et suiv) mais il l’est plus encore de l’âme gaie du corps. C’est pourquoi il est placé en haut comme sur un trône royal, et il est élevé au-dessus des autres sens. Jésus-Christ forme donc l’œil. Ensuite, afin que vous ne croyiez point qu’il ait eu besoin de la matière pour faire l’œuvre qu’il voulait opérer, et que vous appreniez qu’au commencement, quand il a créé toutes choses, la boue dont il s’est servi ne lui était point nécessaire : car celui qui de rien a produit les substances les plus grandes et les plus excellentes pouvait, à plus forte raison, former celle-ci sans faire usage d’aucune matière, s’il l’avait voulu. Pour vous apprendre, dis-je, qu’il n’en a nullement eu, besoin, et vous montrer que c’est lui qui, au commencement, a créé toutes choses, ayant appliqué la boue sur la place de l’œil, il dit : Allez, « lavez-vous (7) », afin que vous sachiez que, pour former des yeux, il ne m’est pas nécessaire d’avoir en main de la boue, et que je ne m’en sers que pour faire éclater ma gloire et ma puissance.
Le Sauveur donc, pour montrer qu’il parle de sa propre personne, lorsqu’il dit : « Afin que la gloire de Dieu éclate », a ajouté : « Il faut que je fasse les œuvres de celui qui m’a envoyé (4) » ; c’est-à-dire, il faut que je me fasse connaître moi-même, et que je produise tout ce qui est capable de prouver que je fais les mêmes œuvres que mon Père fait : non de semblables, mais les mêmes ; ce qui marque une plus grande égalité, et ne se peut dire que de ceux qui n’ont pas même entre eux la moindre inégalité. Qui donc osera maintenant combattre cette égalité du Fils, voyant qu’il est capable des mêmes œuvres que le Père a le pouvoir de faire ? En effet, non seulement il a formé des yeux, non seulement il en a ouvert, mais il a donné la faculté de voir, ce qui prouve manifestement qu’il a aussi inspiré l’âme. Car si l’âme n’agit, quelque sain, quelque entier que l’œil soit, jamais il ne verra rien. C’est pourquoi il a aussi communiqué à l’âme la faculté d’agir, et il a donné à cet homme un œil composé d’artères, de nerfs, de veines, de sang, et de toutes les autres choses dont notre corps est construit.
« Il faut que je fasse des œuvres pendant qu’il est jour ». Que signifient ces paroles ? Quelle suite ont-elles ? Elles en ont une véritable. Car Jésus-Christ veut dire ceci : Pendant qu’il est jour, pendant que les hommes peuvent croire en moi, et que je vis, il faut que je fasse dés œuvres. « La nuit vient », c’est-à-dire le temps approche « où l’on ne pourra rien faire ». Le Seigneur n’a point dit : Dans lequel je ne pourrai point agir, mais : « Où l’on ne pourra rien faire », c’est-à-dire dans lequel il n’y aura plus ni foi, ni œuvre, ni pénitence. Et comme Jésus appelle la foi une œuvre, ils lui disent : « Que ferons-nous pour faire des œuvres de Dieu ? » (Jn. 6,28) Il répond : « L’œuvre de Dieu est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé ». (Id. 29) Pourquoi donc personne alors ne pourra-t-il faire cette œuvre ? Parce qu’alors la foi ne subsistera plus, et que tous écouteront, soit qu’ils le veuillent ou qu’ils ne le veuillent pas.
Et afin que les Juifs ne pussent pas dire que Jésus-Christ agissait par un mouvement d’ambition et de vanité, il leur montre que tout ce qu’il fait c’est pour eux, c’est pour leur salut qu’il le fait ; puisque c’est seulement en ce monde qu’on peut croire et opérer des œuvres, et qu’en l’autre la foi ne leur servira de rien, qu’ils ne pourront plus ni travailler ni mériter. Voilà pourquoi le divin Sauveur guérit l’aveugle, sans même que celui-ci vînt le chercher ni l’en prier. Mais toutefois ce qui a suivi sa guérison, je veux dire sa foi et sa fermeté, prouvent manifestement qu’il était digne de cette grâce ; que s’il avait vu, il serait venu trouver Jésus et aurait cru en lui ;