qui lui est propre et particulière, et telle que nul autre n’y peut atteindre.
« Je donne ma vie ». Jésus-Christ le répète souvent, pour montrer qu’il n’est pas un imposteur, puisque saint Paul, pour faire voir qu’il est un docteur et un maître véritable, et pour confondre les faux prophètes, se prévaut des périls et des supplices qu’il a bravés, en disant : « J’ai plus reçu de coups, je me suis souvent vu tout près de la mort ». (2Cor. 11,23) Jésus-Christ ayant dit : Je suis la lumière, je suis la vie, des insensés l’auraient pu regarder comme un homme vain qui ne parlait que pour s’élever au-dessus des autres ; mais en disant : je veux mourir, il ne s’attirait l’envie de personne. C’est ainsi pour cela que les Juifs maintenant ne lui disent pas : « Vous vous rendez témoignage à vous-même », ainsi « votre témoignage n’est point véritable ». Par cette parole, il montrait son infinie sollicitude, lui qui voulait se livrer à la mort pour ceux mêmes qui le lapidaient.
2. C’est pourquoi le divin Sauveur en vient à parler, fort à propos, des gentils : « J’ai encore d’autres brebis », dit-il, « qui ne sont pas de cette bergerie : il faut aussi que je les amène (16) ». « Il faut » : Jésus-Christ se sert de ce terme, non pour marquer une nécessité, mais pour montrer que ce qu’il promet arrivera infailliblement ; c’est comme s’il disait : Pourquoi vous étonner de ce que ces hommes soient prêts à me suivre, de ce que mes brebis écoutent ma voix ? Lorsque vous en verrez d’autres encore me suivre et écouter ma voix, alors il y aura lieu de vous étonner davantage. Mais s’il dit : « Qui ne sont pas de cette bergerie », ne vous troublez pas : la différence n’est que dans la loi, selon ces mots de saint Paul : « Ce n’est rien d’être circoncis, et ce n’est rien d’être incirconcis ». (1Cor. 7,19) « Et il faut que je les amène ». Jésus-Christ déclare que les unes et les autres sont toutes dispersées et mêlées ensemble, n’ayant point de pasteur, parce que le bon pasteur n’est pas encore venu. Après quoi il annonce qu’elles seront toutes unies : « Et il n’y aura a qu’un troupeau ». Cette union, saint Paul l’a aussi marquée, en disant : « Afin de former en soi-même un seul homme nouveau de ces deux peuples ». (Eph. 2,15)
« C’est pour cela que mon Père m’aime, parce que je quitte ma vie pour la reprendre (1,7) ». Est-il rien de plus humble que cette parole ? c’est à cause de nous, c’est en mourant pour nous que le Seigneur doit se faire aimer. Quoi donc ! dites-moi, mon cher auditeur, auparavant Jésus-Christ n’était-il point aimé ? est-ce d’aujourd’hui que son Père commence à l’aimer ? avons-nous été le principe et le lien de cet amour ? Réfléchissez-vous bien sur la manière dont le Sauveur se proportionne à notre faiblesse ? Par ces paroles, que veut-il donc prouver ? Comme les Juifs lui faisaient ces reproches : qu’il était étranger au Père et un imposteur, qu’il était venu pour notre malheur et notre ruine, il dit : S’il n’est rien en vous qui ait pu me porter à vous aimer, ceci du moins m’y a engagé ; c’est que vous êtes aimés de mon Père comme je le suis moi-même, et que la raison de cet amour, c’est que je meurs pour vous. De plus, il veut nous faire voir qu’il ne va point à la mort malgré lui ; car s’il ne mourait pas volontairement et parce qu’il le veut bien, comment sa mort serait-elle un lien d’amour ? Il veut nous montrer encore que c’est là principalement la volonté de son Père. Au reste, si ce que le Sauveur dit ici, il le dît dans le langage d’un homme, ne vous en étonnez pas : nous vous en avons souvent expliqué la raison, et il serait ennuyeux et inutile de la répéter.
« Je quitte ma vie, et je la reprendrai de nouveau. Et personne ne me la ravit, mais c’est de moi-même que je la quitte ; j’ai le pouvoir de la quitter, et j’ai le pouvoir de la reprendre (18) ». Comme les princes des prêtres, et les anciens du peuple avaient souvent tenu conseil pour trouver moyen de le faire mourir (Mt. 26,3-4), Jésus leur dit : À défaut de mon consentement, vos peines sont inutiles ; et il confirme le fait le plus éloigné par le plus prochain, à savoir : la résurrection par sa mort toute volontaire, et c’est là ce qui est étonnant et digne de notre admiration : car ces deux choses sont également nouvelles et extraordinaires.
Soyons donc bien attentifs à ce que dit Jésus-Christ : « J’ai le pouvoir de quitter ma vie ». Et qui ne l’a pas ce pouvoir de quitter sa vie ? Chacun peut se tuer ; mais ce n’est pas de la sorte qu’il l’entend. Et comment l’entend-il ? J’ai tellement le pouvoir de quitter ma vie, que personne ne me la peut ravir malgré moi, et si je ne le veux. Or, il n’en est pas ainsi des hommes. Nous n’avons le pouvoir
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