eu de l’huile, mais non pas autant qu’il leur en fallait pour leur salut : elles allumèrent, elles aussi, leurs lampes, et néanmoins elles furent exclues des noces (Mt. 25), comme de juste, car leurs lampes s’éteignirent avant l’arrivée de l’époux. Voilà pourquoi il nous est nécessaire d’avoir une bonne provision d’huile, et de donner libéralement aux pauvres. Écoutez ce que dit le prophète : « Ayez pitié de moi, mon Dieu, selon votre grande miséricorde ». (Ps. 50,1) Ayons donc autant de pitié de nos frères que notre miséricorde peut s’étendre. Tels nous aurons été envers nos compagnons, tel sera aussi le Seigneur envers nous.
Mais en quoi consiste la grande miséricorde ? à donner non seulement de notre superflu, mais aussi de notre nécessaire. Que si nous ne donnons même pas de notre superflu, quelle espérance nous restera-t-il ? Par où, par quels moyens nous délivrerons-nous des maux qui nous menacent ? Où irons-nous, à qui recourrons-nous pour obtenir notre salut ? Si les vierges, après tant de travaux et de sueurs, n’ont trouvé aucune consolation ni protection, où sera notre refuge, lorsque notre Juge nous dira d’une voix menaçante ces terribles paroles : « J’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger ? » (Mt. 25,45) Vous avez manqué à me rendre ces services, toutes les fois que vous avez manqué à les rendre à l’un de ces plus petits. Le Seigneur ne dit pas cela seulement de ses disciples ou des moines, mais encore de tous les fidèles, quels qu’ils soient. Car tout fidèle, fût-il esclave ou mendiant, dès lors qu’il croit en Dieu, a droit de participer à tous nos biens et à toute notre bienveillance. Si, lorsqu’il est nu ou qu’il a faim, nous le négligeons, nous nous entendrons dire ces foudroyantes paroles : « Retirez-vous, allez au feu ». Et sûrement ce sera justice.
En effet, qu’est-ce que le Seigneur exige de nous de pénible et d’onéreux ? ou plutôt est-il rien de plus facile que ce qu’il demande de nous ? Il n’a point dit : J’étais malade et vous ne m’avez pas guéri, mais : vous ne m’avez pas visité. Il n’a point dit : J’étais en prison et vous ne m’en avez pas retiré, mais vous ne m’êtes pas venu voir. Plus ces commandements sont faciles, plus seront grands les supplices infligés à ceux qui ne les auront point observés. En effet, je vous prie, est-il rien de plus facile que d’aller voir les prisonniers ? Qu’y a-t-il de plus aisé et de plus doux ? Quand vous les verrez les uns dans les fers, les autres sordides, avec de grands cheveux épars, couverts de haillons ; d’autres exténués de faim, accourir à vos pieds comme des chiens ; d’autres ayant le dos tout déchiré, d’autres que l’on ramène de la place liés et garrottés ; passant le jour à mendier, sans pouvoir gagner même le pain qui leur est nécessaire pour subsister, et le soir contraints par leurs geôliers à des offices si pénibles et si cruels ; quand vous verrez tout ce triste spectacle, eussiez-vous le cœur plus dur que les cailloux, vous le quitterez plein d’humanité ; quand vous mèneriez une vie molle et voluptueuse, vous deviendrez un parfait philosophe, parce que, dans les calamités d’autrui, vous verrez, vous apprendrez à connaître la misérable condition de la vie humaine. C’est alors que le jour terrible du Seigneur, que les différents supplices qui sont préparés pour les méchants, se présenteront à votre esprit ; méditant ensuite sur tous ces objets, vous chasserez de votre cœur la colère, la volupté, l’amour des choses du siècle ; et votre âme deviendra plus tranquille que le port le plus calme et le plus assuré. Vous philosopherez, vous raisonnerez sur ce jugement ; repassant en vous-même ce que vous aurez vu, vous direz : si parmi les hommes il v a un si grand ordre, des menaces si terribles, des châtiments si affreux, combien plus redoutable encore doit être la justice de Dieu ! « Car il n’y a point de puissance qui ne vienne de « Dieu ». (Rom. 13) Celui qui a commis aux princes et aux puissances la garde et la sûreté des lois, y veillera sans doute, et les fera lui-même bien mieux observer.
5. Effectivement, si la crainte ne retenait les hommes, tout sans doute, tout tomberait bientôt dans le désordre, puisqu’il en est plusieurs qui se portent au mal, malgré tant de supplices qui les menacent. Si vous philosophez, si vous méditez sur ces choses, vous serez plus disposés et plus prompts à faire l’aumône, vous jouirez d’un grand plaisir, et beaucoup plus grand que si vous veniez du théâtre. Ceux qui en sortent ont le cœur embrasé du feu de la concupiscence : après avoir vu sur la scène, non sans recevoir mille blessures, toutes ces femmes sans mœurs, ils seront plus troublés qu’une mer agitée de la tempête,
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