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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/430

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les jours nous vous en parlons, et nous ne gagnons rien sur vous : Nous, devenons pires que les bêtes féroces, noue ravissons lesbiens du pupille et de l’orphelin, nous dépouillons les veuves, nous maltraitons les pauvres. Nous ajoutons crimes à crimes. « Malheur à moi », disait le prophète, « parce qu’il n’y a plus de pieux, de miséricordieux sur la terre ». (Mic. 7,2)
C’est à nous maintenant à gémir : mais ce que je dis là, il faudrait le répéter tous les jours. Nous n’avançons rien par nos prières ; nous ne gagnons rien par nos conseils et nos exhortations. Il ne nous reste plus qu’à pleurer : qu’il sorte de nos paupières des ruisseaux de larmes. Jésus-Christ a fait de même ; voyant que la ville de Jérusalem ne profitait point de ses avertissements et de ses instructions ; il pleura sur son aveuglement. (Lc. 19,41) Les prophètes font de même : faisons-en autant nous-mêmes aujourd’hui : c’est maintenant un temps de larmes, de pleurs, de gémissements. Disons-nous aussi, c’est le moment : « Cherchez avec soin, et faites venir les femmes qui pleurent les morts : envoyez à celles qui sont les plus habiles, et qu’elles se hâtent de pleurer sur nous avec des cris lamentables ». (Jer. 9,17) Par là, peut-être, pourrons-nous guérir de leur maladie ceux qui bâtissent de magnifiques maisons, ceux qui acquièrent des terres, de l’argent par des rapines.
C’est maintenant te temps de pleurer : pleurez, avec moi, vous qu’on a dépouillés ; vous à qui on a fait tant d’injustices, joignez vos larmes aux miennes. Mais ne pleurons pas sur nous, pleurons sur les coupables eux-mêmes, ils ne vous ont point fait de mal, ils s’en sont fait à eux-mêmes. Vous, pour le tort qu’on vous a fait, vous avez en dédommagement le royaume des cieux : eux, pour 1e gain qu’ils ont fait, ils ont l’enfer. Voilà pourquoi il vaut mieux subir le mal que de le faire. Pleurons-les, non par des larmes humaines, mais par des larmes prises des saintes Écritures, et de la manière, que les prophètes ont pleuré ; pleurons amèrement avec Isaïe, et disons : « Malheur à ceux qui joignent maison à maison, et qui ajoutent terres à terres, pour enlever quelque chose à leur prochain. Serez-vous donc les seuls qui habiterez sur la terre ?
« Ces maisons sont vastes et embellies, et il ne se trouvera pas un seul homme qui y habite ». (Is. 5,8, 70) Pleurons avec Nahum, et disons avec lui : « Malheur à celui qui élève sa maison en haut[1] ! » Ou plutôt pleurons sur eux ; comme Jésus-Christ a pleuré sur les Juifs, et disons : « Malheur à vous, riches, parce que vous avez votre récompense et votre consolation » dans ce monde ! (Lc. 6, 24)
De même, je vous en conjure, mes frères, ne cessons point de verser des larmes : et si ce n’est pas manquer aux lois de la retenue, frappons-nous la poitrine, en voyant la ; lâcheté et la paresse de nos frères : Ne pleurons plus les morts, mais pleurons ce ravisseur du bien d’autrui, cet avare, cet insatiable amateur des richesses. Pourquoi pleurons-nous les morts ? C’est vainement, c’est sans fruit que nous les pleurons. Pleurons sur ceux qui peuvent changer et profiter de nos larmes. Mais, lorsque nous pleurons, peut-être rient-ils de nos larmes ? Eh ! n’est-ce pas un nouveau sujet de pleurs, que de les voir rire de ce qui devrait leur arracher des larmes ? S’ils se laissaient toucher de nos pleurs, c’est alors qu’il nous faudrait cesser de pleurer, parce qu’alors ils tendraient à leur amendement. Mais, tant qu’ils restent dans l’endurcissement, continuons de pleurer, non sur les riches, mais sur ceux qui aiment l’argent, sur les avares ; les spoliateurs. La possession des richesses n’est point un crime, puisque nous en pouvons faire un bon usage, en les appliquant aux besoins des pauvres, mais l’avarice est un mal qui nous prépare des supplices éternels. Pleurons donc : peut-être nos larmes produiront-elles quelques conversions ou si ceux gui sont tombés dans le précipice de l’avarice ne s’en tirent point, d’autres peut-être prendront garde de n’y pas tomber. Fasse le ciel que ces malades se délivrent de leur infirmité, et qu’aucun de nous n’y tombe, afin que nous puissions tous obtenir les biens qui nous sont promis, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient la gloire dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

  1. Je n’ai point trouvé ce passage dans Nahum , ni dans les Septante, ni dans la Vulgate. Nahum dit : « Malheur, à toi, ville de sang, qui est toute pleine de fourberie ! » Je lis dans Habacuc quelque chose de plus approchant : « Malheur à celui qui ravit sans cesse, ce qui ne lui appartient point ! » Et « Malheur à celui qui bâtit une ville du sang des hommes, et qui la fonda sur l’iniquité ! »