Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/459

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qui n’êtes que cendre, que terre, que poussière, vous vous élevez d’orgueil, et vous avez une haute opinion de vous-même ? Que si vous voulez vous élever, venez, je vous montrerai le chemin ; car vous ne le connaissez pas. S’attacher aux choses présentes comme à de grandes choses, c’est avoir l’esprit petit et l’âme basse Comme les petits enfants n’ont de désirs et d’ardeur que pour des bagatelles, pour des boules, des toupies, des osselets, et qu’ils ne sont même pas capables de penser à rien de sérieux ; à rien de grand ; de même celui qui s’adonne à la vraie, philosophie ne fera nul cas des choses présentes. Il ne désirera donc pas de les acquérir, ou que d’autres les lui donnent. Mais l’homme qui ne s’applique pas à cette étude, s’attachera d’affection et de cœur à des toiles d’araignées, à des ombres, à des songes, et aux choses les plus viles et les plus abjectes.
« En vérité, en vérité, je vous le dis : Le serviteur n’est pas plus grand que le maître et l’envoyé n’est pas plus grand que celui a qui l’a envoyé (16). Si vous savez ces choses, q vous serez heureux, pourvu que vous les pratiquiez (17). Je ne dis pas ceci de vous tous : mais il faut que, cette parole de l’Écriture soit accomplie : Celui qui mange, du pain avec moi ; lèvera le pied contre moi (18) ». Jésus-Christ répète encore ici ce qu’il a dit auparavant : Si le serviteur, dit-il, n’est pas plus grand que son maître, si l’envoyé n’est pas plus grand que celui qui l’a envoyé, et si j’ai fait cette action, si j’ai lavé vos pieds, à plus forte raison il faut que vous fassiez de même. Ensuite, de peur que quelqu’un ne repartît : Pourquoi parlez-vous de la sorte maintenant, nous n’en voyons pas la raison ? il a ajouté : Je ne vous dis pas ceci, comme si vous ne le saviez pas ; mais c’est afin que vous montriez par vos œuvres que vous le savez. Véritablement tous savent, mais tous ne font pas. Voilà pourquoi le Sauveur dit : « Vous serez heureux, pourvu que vous pratiquiez ces choses ». Encore que vous les sachiez, je vous les répète très-souvent, pour vous porter à les mettre en pratique. Les Juifs les savent aussi, mais ils ne sont pas heureux, parce que ce qu’ils savent, ils ne le font pas.
« Je ne dis pas ceci, de vous tous ». Ah ! quelle patience ! Le Sauveur ne fait point encore des reproches à ce traître, mais il couvre son crime, pour lui donner le temps de faire pénitence ! Et il le reprend, sans néanmoins paraître le reprendre, en disant : « Celui qui mange du pain avec moi, lèvera le pied contre moi ». Il me semble que Jésus-Christ a dit : « Le serviteur n’est pas plus grand que son maître », afin que si un serviteur, ou quelque autre, vile personne, outrage et offense quelqu’un, celui-ci ne se trouble point, considérant ce qu’a fait Judas : Judas, qui, ayant reçu de si grands biens de son Maître, le paie de tant d’ingratitude ! Voilà pourquoi Jésus-Christ a ajouté : « Celui qui mange du pain avec moi ». Et passant sur tous les autres bienfaits, il ne lui reproche que ce qui pouvait l’arrêter et le couvrir de confusion. Celui que je nourrissais, celui qui mangeait à ma table, dit-il, c’est celui-là même qui me trahit. En un mot, le Sauveur disait ces choses afin d’apprendre à ses disciples à faire du bien à ceux qui leur feraient du mal, ceux-ci demeurassent-ils incorrigibles.
Au reste, après avoir dit : « Je ne dis pas ceci de vous tous » ; pour ne les pas jeter tous dans la crainte et dans l’effroi, Jésus-Christ sépare enfin Judas des autres, et le désigne par ces paroles : « Celui qui mange du pain avec moi ». Car ces mots : « Je ne dis pas ceci de vous tous », ne désignaient absolument personne en particulier ; c’est pourquoi il a ajouté : « Celui qui mange du pain avec moi », déclarant à ce malheureux que sa trahison lui était parfaitement connue : et rien n’était plus capable de le détourner de son dessein. Le divin Sauveur n’a point dit Judas me trahit, mais : « Il a levé le pied contre moi », pour faire connaître sa fourberie et les pièges qu’il lui tendait secrètement.
3. Enfin, mes frères, ces choses sont écrites pour notre instruction, afin que nous ne nous mettions point en colère contre ceux qui nous font une injure, et que nous nous bornions à les reprendre et à les plaindre. Car ce ne sont pas ceux qui sont offensés, mais ceux qui offensent, qui sont dignes de larmes. Un ravisseur du bien d’autrui, un calomniateur, et tous ceux qui font du mal, se font un très-grand tort à eux-mêmes. Mais à nous, ils nous procurent de très-grands biens, si nous ne nous vengeons point. Par exemple, un voleur vous a ravi votre bien, vous en avez rendu grâces à Dieu, et vous lui avez rapporté toute la gloire de votre patience : par cette action