Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/563

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dans la bouche de pauvres pêcheurs ?
2. Et pourquoi parler des Juifs, quand les apôtres eux-mêmes se troublaient et s’offensaient de la doctrine sublime que Jésus-Christ leur développait ? Aussi leur disait-il : « J’ai beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter à présent ». (Jn. 16,12) Si tels étaient les apôtres qui avaient vécu plusieurs années avec lui ; qui avaient vu ses miracles et qui avaient connu les secrets du royaume des cieux, des hommes tout récemment arrachés aux autels et aux sacrifices de l’idolâtrie, détrompés du culte des chats et des crocodiles, et éclairés à peine sur les erreurs du paganisme, pouvaient-ils soudain comprendre les sublimes mystères de la foi ? Quant aux Juifs, qui chaque jour répétaient ce précepte de la loi mosaïque : « Écoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est le seul Seigneur, et il n’y a point d’autre Dieu que lui » (Deut. 6,4), qui avaient vu Jésus-Christ attaché à la croix, qui l’avaient eux-mêmes crucifié et mis dans le tombeau, et qui ne l’avaient point vu ressuscité ; s’ils eussent entendu tout d’abord proclamer que ce même Jésus était Dieu et égal à Dieu le Père, ils se seraient récriés contre cette doctrine et se fussent retirés. C’est pourquoi les apôtres ne leur révèlent que par degré la sublimité de nos dogmes, et se proportionnent à leur faiblesse. Remplis eux-mêmes de la plénitude de l’Esprit-Saint, ils opèrent des miracles plus grands que ceux de Jésus-Christ ; et ils les opèrent en témoignage de sa résurrection, et pour guérir ces infortunés paralytiques.
Ainsi saint Luc se propose, dans le livre des Act. de prouver la résurrection de Jésus-Christ, parce que ce point gagné, tout le reste suit facilement ; c’est le but de son livre, et comme le sommaire de tout son récit. Au reste, en voici la préface : « J’ai écrit un premier livre, ô Théophile, de tout ce que Jésus a fait et enseigné ». Pourquoi rappeler son Évangile ? Afin de montrer sa scrupuleuse véracité. Car au commencement de son Évangile, il a dit : « J’ai cru qu’après avoir été exactement informé de toutes choses, depuis leur commencement, je devais en écrire l’histoire avec ordre ». Bien plus, peu content de ses propres recherchés, il s’en réfère au témoignage des apôtres, et continue ainsi : « Comme nous les ont racontées ceux qui dès le commencement les ont vues, et qui ont été les ministres de la parole ». (Lc. 1,1, 3) Mais parce que, dans ce premier ouvrage, il s’est gagné la confiance de ses lecteurs, il n’a pas besoin dans celui-ci dé recourir à de nouveaux témoignages ; Car Théophile est déjà persuadé, et de plus le livre lui-même porte tous les caractères d’une scrupuleuse véracité. Et en effet, nous ajoutons foi aux récits de saint Luc, quand il nous raconte ce que d’autres lui ont appris ; mais ne devons-nous pas le croire plus encore, quand il écrit, non d’après les récits qui lui ont été, faits, mais d’après ce qu’il a vu et entendu lui-même ? Aussi semble-t-il nous dire que si nous avons reçu son témoignage sur la vie de Jésus-Christ, nous ne saurions le récuser sur les apôtres. Mais quoi ! le livre des Actes est-il purement historique, et ne renferme-t-il aucun sens spirituel ? Nullement ; et en voici la raison. C’est que les apôtres, qui avaient rapporté à saint Luc les actions du divin Sauveur, qui en avaient été les témoins, et qui avaient été les ministres de la parole, étaient eux-mêmes remplis de l’Esprit-Saint. Et pourquoi ne dit-il pas : comme nous ont rapporté les choses ceux qui avaient mérité de recevoir l’Esprit-Saint, mais. « qui les ont vues eux-mêmes dès le commencement ? » Parce qu’un témoin oculaire inspiré toujours une plus grande confiance. D’ailleurs, un autre langage eût peut-être paru vain et orgueilleux à des esprits prévenus ou bornés.
C’est ainsi que le Précurseur disait aux Juifs « Je l’ai vu, et j’ai rendu témoignage qu’il est Fils de Dieu » (Jn. 1,34), et que le Sauveur lui-même éclairait par les paroles suivantes l’ignorance de Nicodème : « Ce que nous savons, nous le disons, et ce que nous avons vu, nous le témoignons, mais personne ne reçoit notre témoignage ». (Jn. 3,11) C’est encore à ce même témoignage des yeux que Jésus-Christ faisait allusion, quand il disait à ses apôtres : « Vous me rendrez témoignage, parce que vous avez été avec moi dès le commencement ». (Jn. 15,27) Enfin les apôtres eux-mêmes tiennent souvent ce langage : « Nous en sommes tous témoins, ainsi que l’Esprit-Saint que Dieu a donné à ceux qui croient en lui ». (Act. 2,32) Et saint Pierre, pour attester pleinement le fait de la résurrection de Jésus-Christ, dit : « Nous avons mangé et bu avec lui ». (Act. 10,41) Mais si les Juifs admettaient ainsi de préférence