le précurseur n’envoie ses disciples à Jésus-Christ qu’au moment où sa captivité leur rendait ce secours nécessaire. D’ailleurs, il convenait que notre nature prît d’abord possession du ciel, et qu’ainsi fût accompli l’acte de notre réconciliation ; alors seulement la venue de l’Esprit-Saint pouvait inonder les cœurs d’une joie pure. Et en effet, si Jésus-Christ eût attendu pour se retirer la venue de l’Esprit-Saint, la présence de celui-ci eût apporté aux apôtres moins de consolation, car ils étaient si fortement attachés à leur divin Maître, qu’ils ne pouvaient s’en séparer qu’avec une peine extrême. Aussi leur disait-il lui-même pour les consoler : « Il vous est avantageux que je m’en aille ». (Jn. 16,17) Il voulut donc retarder de quelques jours l’envoi de l’Esprit-Saint, afin que, pénétrés et de douleur pour son absence et du vif sentiment de leur faiblesse, ils éprouvassent, comme je l’ai dit, une joie pure et parfaite.
Mais si l’Esprit-Saint était inférieur au Fils, il n’eût pu être pour les apôtres une consolation suffisante ; et comment Jésus-Christ leur eût-il dit : « Il vous est avantageux que je m’en aille ? » C’est pourquoi il était réservé à ce divin Esprit clé répandre en eux les plus vives lumières de la science et de la doctrine, afin qu’ils ne le crussent pas inférieur au Fils. Il n’était pas moins nécessaire que Jésus-Christ leur commandât de rester à Jérusalem, en même temps qu’il leur promettait de leur envoyer le Saint-Esprit. Autrement ils se fussent dispersés après son ascension ; mais l’attente de ce divin Esprit fut comme un lien qui les retint dans Jérusalem. Ainsi, Jésus-Christ commanda à ses apôtres « d’attendre la promesse du Père, que vous avez », dit-il, « entendue de ma bouche. Car Jean », ajouta-t-il, « a baptisé dans l’eau ; mais vous serez baptisés dans le Saint-Esprit sous peu de jours ». (Act. 1,5) Le Sauveur déclare ici quelle distance le sépare du précurseur ; et ce n’est point obscurément, comme quand il avait dit : « Le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui ». (Mt. 11,11) Mais il parle manifestement : « Jean », dit-il, « a baptisé dans l’eau, mais vous serez baptisés dans le Saint-Esprit ». Ainsi, il n’allègue donc plus l’autorité du précurseur, et se contente de le nommer, rappelant ainsi les divers témoignages qu’il lui a rendus. Il révèle ainsi à ses apôtres leur propre supériorité sur Jean-Baptiste, parce qu’ils doivent être baptisés dans l’Esprit-Saint. Observez encore que Jésus-Christ ne leur dit ras : Je vous baptiserai dans l’Esprit-Saint ; mais : « Vous serez baptisés ». Et cette parole est pour nous une leçon d’humilité : car il est évident, par le témoignage même du précurseur, que c’était Jésus qui baptiserait. « Il vous baptisera », avait-il dit, « dans le Saint-Esprit et dans le feu ». (Lc. 3,16) Aussi, le Sauveur se contente-t-il de nommer saint Jean.
L’Évangile nous raconte donc les actions et les discours de Jésus-Christ, et les Actes des Apôtres contiennent le récit des opérations diverses du Saint-Esprit. Sans doute, ce divin Esprit n’avait point cessé d’agir, de même que le Christ continue encore sa puissante action ; mais il avait agi jusqu’alors par l’humanité sainte du Sauveur, en laquelle il résidait, comme dans son sanctuaire, et maintenant il agit par ses apôtres. Il s’était reposé dans le sein virginal de Marie, et y avait formé le corps du Sauveur Jésus, en qui il habitait, comme dans son temple ; mais il descendit alors sur les apôtres, il avait apparu autrefois sous la figure d’une colombe, et dans ce jour il se montra sous celle de langues de feu. Pourquoi ces symboles différents ? Parce qu’au baptême de Jésus-Christ, il annonçait le règne de la douceur, et qu’au jour de la Pentecôte, il prophétisait la sévérité de la vengeance. Et c’est avec raison qu’on nous parle ici de jugement ; car, si la miséricorde divine surabonde seule dans la rémission des péchés, il est juste, quand une âme a reçu les dons dé l’Esprit-Saint, examiner et d’apprécier l’usage qu’elle en fait.
Mais comment Jésus-Christ a-t-il pu dire : « Vous serez baptisés », puisqu’il n’y avait point d’eau dans le cénacle ? C’est que l’Esprit-Saint supplée à l’élément de l’eau. Et c’est ainsi qu’on dit de Jésus qu’il est Christ, quoiqu’il n’ait reçu aucune onction d’huile, parce que l’Esprit-Saint s’est reposé en lui. Au reste, il est facile de prouver que les apôtres ont également reçu le baptême de l’eau, mais antérieurement. La pratique aujourd’hui est d’administrer en même temps le baptême et la confirmation, mais il n’en a pas été ainsi des apôtres, car ils furent d’abord baptisés par Jean-Baptiste. Et ne nous en étonnons point, les publicains et les courtisanes accouraient à son baptême, à plus forte raison ceux
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