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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/580

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son troupeau ; et parce qu’il est le premier en dignité, le premier aussi il prend la parole. Or, « ils étaient environ cent vingt ». Et il dit : « Mes frères, il fallait que ce qu’avait prédit l’Esprit-Saint fût accompli ». Mais ici on peut demander pourquoi Pierre ne s’adresse jas directement à Jésus-Christ, pour le prier de désigner celui qui devra remplacer le traître Judas, et pourquoi encore les apôtres ne se chargent pas seuls de cette élection ? Je réponds d’abord que Pierre était devenu moins présomptueux et plus humble, et je donne ensuite deux raisons de ce que les apôtres ont voulu remettre à Dieu le choix d’un douzième apôtre. La première est qu’ils étaient absorbés par de graves occupations, et la seconde, que ce mode d’élection prouvait parmi eux la présente du Sauveur. Et, en effet, c’était lui qui les avait choisis aux jours de sa vie mortelle, et c’est lui qui les choisit encore après son ascension. N’était-ce pas là pour eux une grande consolation ? Mais observez encore que Pierre prend en toutes choses l’avis de ses frères, et qu’il ne fait rien avec hauteur et autorité. Au lieu de dire simplement : Choisissons celui-ci à la place de Judas, il cherche à les consoler de ce crime horrible en usant de circonlocution. Car la trahison de Judas les avait profondément consternés ; et ne nous en étonnons point, aujourd’hui encore nous en sommes tout bouleversés : et que ne durent-ils donc pas éprouver ? « Mes frères » ; c’était le nom dont Jésus avait appelé ses apôtres ; et quel autre nom convenait mieux en la bouche de Pierre ? Aussi est-ce à tous qu’il adresse ce langage affectueux. Cette église du cénacle représentait donc l’ordre et la hiérarchie des esprits célestes. Car tous, hommes et femmes, ne faisaient qu’un : et c’est ainsi que nous devrions être. Nul ne se préoccupait alors du monde, ni même des soins de la famille, tant les épreuves nous sont utiles, et les afflictions salutaires !
« Il fallait que ce qui a été prédit par l’Esprit-Saint fût accompli ». A l’exemple de Jésus-Christ, Pierre console ses frères en leur rappelant la prophétie divine, et il leur montre que rien n’arrive par hasard, et que tout a été prédit. « Il fallait », dit-il, « que ce que l’Esprit-Saint avait prédit par la bouche de David fût accompli ». Il ne dit point : David a prédit, mais l’Esprit-Saint par sa bouche. Voyez donc quelle doctrine saint Luc promulgue dès les premières lignes de son récit ; aussi ai-je eu raison de dire, en commençant ces homélies, que le livre des Actes était l’Œuvre du Saint-Esprit : « Ce que l’Esprit-Saint avait prédit par la bouche de David ». Ici saint Pierre cite le roi-prophète, et s’appuie sur son témoignage, parce qu’il savait qu’auprès des apôtres son autorité serait plus grande que celle de tout autre prophète. « Touchant Judas qui a été le guide ». Quelle réserve dans son langage ! Nulle injure, nulle insulte ; il s’abstient même d’appeler Judas du nom de scélérat et de maudit. Il se contente donc de raconter le fait, et, sans prononcer le mot trahison, il cherche à rejeter sur les complices de Judas la honte de son crime. Encore ne les poursuit-il pas avec véhémence, et se borne-t-il à les désigner par ces mots : « Ceux qui ont pris Jésus ».
Remarquons aussi qu’avant d’indiquer le psaume de David d’où il a tiré cette prophétie, Pierre raconte l’action de Judas, afin que le présent soit une garantie de l’avenir. Il rappelle également que ce traître a déjà reçu le châtiment de son crime. « Car il était compté parmi nous », dit-il, « et il avait reçu sa part de ce ministère ; et il a possédé un champ du salaire de l’iniquité ». Ici le discours devient moral, et laisse entrevoir une sévère leçon. Pierre dit aussi que ce champ a été possédé par Judas, et non par les Juifs. Mais parce que des esprits faibles sont plus touchés du présent que de l’avenir, il rappelle immédiatement quel a été son châtiment. « Et s’étant pendu, il s’est brisé par le milieu du corps, et ses entrailles se sont répandues sur la terre ». Remarquez qu’il insiste bien plus sur la punition du crime que sur le crime lui-même, et qu’il en tire comme un motif de consolation. « Et ceci a été connu de tous les habitants de Jérusalem, en sorte que ce champ a été appelé en leur langue HACELDAMA, c’est-à-dire, champ du sang ».
2. Les Juifs l’appelèrent donc ainsi uniquement par rapport à Judas, qui lui valut ce nom. Et Pierre cite en témoignage les ennemis mêmes du Christ, car c’est ce que signifie cette parole : « En leur langue ». Enfin, après avoir raconté l’événement, il mentionne la prophétie qui l’annonçait. « Comme il est écrit au livre des Psaumes : Que sa demeure soit déserte, et que nul n’y habite, et qu’un autre reçoive son apostolat ». (Ps. 67,26) La première