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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/68

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une personne de ce qu’elle dit des paroles offensantes à ses frères, ne répondra-t-elle pas que cela n’est rien et qu’il n’y a point de mal à user librement de ces termes entre des frères ? Et cependant ce sont ces paroles qui sont la source des querelles, des dissensions, des haines et des inimitiés mortelles qui éclatent enfin ouvertement et qui se terminent souvent à une mort tragique et sanglante.
4. Ainsi, vous voyez que le démon commence toujours par de petites choses, et qu’il conduit insensiblement les hommes jusqu’aux plus grands crimes, d’où il les jette ensuite dans le désespoir qui est le comble de tous les autres. Car celui qui désespère après son crime, sera plus damné pour son désespoir que pour son crime qui en est la cause. Lorsqu’un homme a commis un grand péché, il peut le guérir s’il a recours à la pénitence ; mais si, après avoir péché, au lieu de se repentir, il désespère du pardon, il rend son mal incurable, parce qu’il fuit le remède qui le doit guérir. Le démon a encore un troisième piège pour surprendre les personnes de piété et pour les faire tomber dans le crime. Car quelquefois il leur déguise tellement le vice sous une apparence de vertu, qu’il les fait pécher en croyant bien faire. Est-il possible, me direz-vous, que le démon ait une si grande puissance ? Je m’en vais vous le faire voir. Apprenez ses artifices pour les craindre et pour les éviter en les craignant.
Nous savons par exemple que Jésus-Christ a commandé par saint Paul que l’homme ne se sépare point de sa femme, et qu’ils ne se refusent point le devoir l’un à l’autre sans un mutuel consentement. Cependant on a vu des femmes comme emportées par un amour ardent pour la chasteté, se séparer indiscrètement de leurs maris et prétendre même faire une action d’une haute vertu, lorsqu’elles les contraignaient ; par cette séparation illégitime, à commettre des adultères, Pleurez, mes frères, le malheur de ces personnes aveuglées, puis qu’après avoir souffert tous les travaux de la chasteté, elles n’en peuvent enfin attendre d’autre fruit que la punition des adultères où leur zèle indiscret a fait tomber leurs maris On en a vu d’autres qui, s’abstenant de l’usage de la viande selon la loi du jeûne, se sont enfin laissées aller jusqu’à la détester avec horreur par un excès qui les a rendues criminelles aux yeux de Dieu.
Ces maux, mes frères, arrivent lorsque des personnes ont assez de présomption pour préférer leurs sens et leurs lumières particulières aux règles de l’Écriture. Ce fut par ce désordre que quelques Corinthiens crurent que c’était être fort parfait que de manger indifféremment de tout, et des choses mêmes qui étaient expressément défendues. Cependant cette licence, bien loin d’être une perfection, était au contraire une très grande faute. Saint Paul s’emporte contre elle avec beaucoup de force, et il menace ceux qui en sont coupables d’un supplice éternel, s’ils ne s’en corrigent et ne s’en repentent. (1Cor. 8,4) D’autres croient faire une action de grande vertu, en laissant croître leurs cheveux. Cependant c’est une chose défendue et qui est déshonorante. D’autres louent ces excès de douleur, et ces abattements de tristesse où l’on tombe après ses péchés, comme si ces tristesses immodérées étaient fort avantageuses ; au lieu que nous voyons, par l’exemple de Judas, que c’est le démon qui par ses artifices jette les âmes dans ces pensées noires qui les accablent, et qui les empêchent de trouver leur paix dans un véritable repentir. C’est pourquoi saint Paul craignit très-justement pour ce Corinthien qui était tombé dans un inceste. Sa sagesse lui fit appréhender qu’il ne tombât dans le désespoir, et il avertit les Corinthiens de hâter sa réconciliation, de peur qu’il ne s’abîmât dans l’excès de sa douleur ; il montre ensuite que c’était le démon seul qui était l’auteur de cette profonde tristesse, lorsqu’il ajoute : « Afin que Satan n’emporte rien sur « nous. Car nous n’ignorons pas ses pensées « et ses artifices ». (2Cor. 2,6)
Si le démon nous faisait une guerre ouverte, il nous serait plus aisé de lé vaincre ; et j’ose dire même que, si nous veillions sur nous, nous ne trouverions rien de difficile dans cette guerre. Car Dieu nous a assez instruits contre tous ses pièges, et armés contre toutes ses violences, lorsqu’il nous a conseillé de ne point mépriser les petites choses : « Celui », dit Jésus-Christ, « qui appelle son frère fou, méritera le feu d’enfer » : Et celui « qui aura regardé une femme avec un mauvais désir, a commis un adultère dans son cœur ». (Mt. 5,22, 28) Il déplore de même le malheur de ceux qui rient ; il les appelle « malheureux » ; et on voit que partout il s’efforce d’arracher les premières racines du mal, en