qu’à faire l’aumône et à exercer la charité. Mais ces vierges témoignent encore leur folie en ce qu’elles espèrent de trouver alors ce qui leur manque, et qu’elles demandent à contre-temps ce qu’elles ne peuvent obtenir. Leurs propres sœurs les, rebutent. Quoique ces vierges sages fussent très charitables, quoique ce fût principalement par leur charité qu’elles s’étaient rendues agréables aux yeux de Dieu, et quoiqu’enfin ces vierges insensées ne leur demandassent qu’une partie de leur huile, et non pas tout, et qu’elles leur représentassent leur nécessité d’une manière si touchante, « nos lampes s’éteignent, donnez-nous de votre huile », ces vierges sages néanmoins demeurent sourdes à leurs prières, et elles ne les écoutent point. Ni leur propre inclination à faire l’aumône, ni la facilité de donner ce que leurs sœurs moins sages qu’elles leur demandaient, ni l’extrême besoin où elles les voyaient réduites, rien ne les put porter à leur accorder leur demande.
Que nous apprend, mes frères, un exemple si terrible, sinon que si nous nous perdons une fois nous-mêmes par nos mauvaises œuvres, nul de nos frères ne pourra nous secourir, non parce qu’il ne le voudra pas, mais parce qu’il ne le pourra. « Les sages leur répondirent : De peur que ce que nous avons ne « suffise pas pour nous et pour vous, etc. (9) ». Ainsi ces vierges sages s’excusent sur leur impossibilité. C’est ce qu’Abraham marque dans l’évangile de saint Luc : « Il y a », dit-il, « un « grand abîme entre nous et vous, de sorte que ceux qui voudraient passer de nous à vous ne le peuvent faire. (Lc. 16,26) Allez « plutôt à ceux qui en vendent, et achetez-vous-en ce qu’il vous en faut (9) ». Qui, sont, mes frères, ceux qui vendent cette huile, sinon les pauvres ? Et où trouve-t-on ces pauvres ailleurs que dans cette vie ? C’est donc en ce monde qu’on doit aller, chercher ces vendeurs et non plus en l’autre. Nous trafiquons heureusement avec eux pendant que dure cette vie, et si l’on nous en ôtait les pauvres, on nous ôterait en même temps un des plus grands moyens de notre salut et une des plus fermes espérances de gagner le ciel. C’est donc ici qu’il nous faut préparer cette huile, afin que nous la trouvions prête dans nos vases, lorsque nous en aurons besoin. Il n’est plus temps d’y penser après notre mort. Il le faut faire dans cette vie. Ne consumez donc plus, mes frères, si inutilement vos biens dans les délices, dans le luxe ou dans le vain amour de la gloire, puisqu’ils vous sont si nécessaires pour en acheter de l’huile.
2. Ces vierges insensées ayant écouté les sages, suivirent le conseil qu’elles leur avaient donné, mais ce fut inutilement. Et l’Évangile rapporte cette circonstance, ou pour suivre simplement l’ordre de l’histoire, ou pour nous apprendre que, quand nous deviendrions charitables et compatissants après notre mort, cette charité ne nous servirait, plus de rien pour éviter les maux que notre dureté passée nous a mérité. Car nous voyons que ce désir de faire l’aumône ne sert plus de rien à ces vierges folles, parce qu’elles cherchaient ceux qui vendent l’huile, non en ce monde où on les trouve, mais dans l’autre où on ne les trouve plus.
Nous voyons de même qu’il ne servit de rien au mauvais riche d’avoir après sa mort tant de tendresse pour ses frères. Après qu’il eut témoigné durant toute sa vie une dureté si extrême à l’égard d’un pauvre qu’il voyait, couché à sa porte, il témoigne tout d’un coup comme un excès de charité pour ceux qu’il ne voyait pas. Il veut s’efforcer de leur faire éviter les supplices et les flammes où il se voyait plongé. Il prie qu’on les avertisse afin qu’ils prennent garde de ne point tomber « dans ce lieu de peines et de tourments ». Mais comme cette miséricorde fut inutile à ce mauvais riche, elle, le fut de même à ces vierges folles.
« Car pendant qu’elles étaient allées acheter de l’huile l’Époux vint, et celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée (10). Enfin les autres vierges vinrent aussi, et lui dirent : Seigneur, Seigneur, ouvrez-nous (11). Mais il leur, répondit : Je vous dis en vérité que je ne vous connais point (12) ». Ainsi, après tant de travaux et, tant de peines, après tant de triomphes remportés sur la faiblesse de la nature et sur la violence de ses mouvements déréglés, elles se retirent toutes confuses et voient avec douleur, que leurs lampes s’éteignent d’elles-mêmes. Car il n’y a rien de plus sombre et de plus ténébreux, pour parler ainsi, que la virginité qui n’est point accompagnée de charités et d’aumônes. On appelle même assez souvent ceux qui sont sans compassion et sans charité, des âmes noires et ténébreuses.
Que devint donc alors la gloire de leur virginité,
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