Page:Cicéron, Démosthène - Catilinaires, Philippiques, traduction Olivet, 1812.djvu/119

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nes armes : alors, dis-je, abattu, interdit, convaincu par sa propre conscience, il a tout-à-coup perdu la parole. On a fait entrer Statilius : il a de même reconnu son cachet, son écriture : on a lu sa lettre, qui portoit à peu près les mêmes choses : il a tout avoué.

11. Prenant ensuite la lettre de Lentulus, je lui ai demandé si le cachet lui étoit connu ? Il ne l’a pas nié. Voilà en effet, lui ai-je dit, une tête bien connue, c’est celle de votre aïeul[1] homme d’un très-rare mérite, qui aima passionnément sa patrie : cette image, toute muette qu’elle est, devoit bien vous détourner d’un si horrible attentat. On a lu sur-le-champ sa lettre adressée de même au Sénat et au peuple des Allobroges. Je lui ai dit que s’il avoit quelque chose à dire, il le pouvoit. D’abord il a tout nié. Un moment après, accablé par les preuves qu’on a produites contre lui, il s’est levé, et a demandé aux Gaulois et à Vulturcius quelle affaire il avoit avec eux, qui les eût obligés à le voir chez lui l Ils lui ont répondu avec précision et avec fermeté : ils lui ont dit par qui, et combien de fois lui-même il les avoit fait appeler : ils lui ont demanda s’il ne leur avoit pas conté la glorieuse destinée que les Sibylles lui promettoient. À ces mots, le trouble de son âme a bien montré jusqu’où va la force de la conscience. Car, quoiqu’il pût nier ce qu’ils avançoient, il nous a fort surpris tous en l’avouant. Tel a été son embarras, de se voir pris en flagrant délit, que ni son esprit, ni son expérience dans l’art de la parole, ni cette impudence même, qu’il pousoit au souverain degré, ne lui ont été d’aucu secours.

  1. L. Coru. Lentulus Lupus, Consul en l’armée de Rome 598.