Page:Cicéron, Démosthène - Catilinaires, Philippiques, traduction Olivet, 1812.djvu/139

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XI. Pour toute récompense, l’unique grâce que je vous demande, c’est que vous conserviez un éternel souvenir de cette journée. Voilà le seul monument que je vous prie d’ériger à ma gloire. Insensible à toutes ces statues muettes, et à toutes ces marques d’honneur, qui peuvent quelquefois n’être pas des marques de mérite, je veux que vos cœurs éternisent mes triomphes, qu’ils en soient les dépositaires. Oui, votre souvenir fera valoir mes actions, vos discours en rehausseront l’éclat, vos annales les feront passer de siècle en siècle. Une même journée donnera l’immortalité, et à la République, et à mon Consulat. On n’oubliera jamais qu’en même temps ont vécu deux Citoyens Romains, dont l’un[1] a porté les confins de votre Empire jusqu’où le soleil berne son cours ; et dont l’autre a sauvé la capitale et le siège même de cet Empire.

XII. Mais entre la guerre intestine que je viens de terminer, et les guerres étrangères dont vos Généraux se chargent, il y a cette différence, que pour eux, après la victoire ils laissent des ennemis, ou morts, ou hors d’état de les troubler : et que pour moi, j’aurai à passer toute ma vie avec ceux que j’ai vaincus. Ainsi, Romains, faites en sorte que si les bonnes actions des autres leur sont avantageuses, les miennes du moins ne me nuisent pas tôt ou tard. J’ai empêché que des scélérats ne vous fissent éprouver leur fureur : c’est à vous d’empêcher qu’ils ne la tournent contre moi. Par où cependant pourroient-ils jamais

  1. Pompée. Voyez son éloge dans l’admirable Oraison pro lege Manilia.