Page:Cicéron, Démosthène - Catilinaires, Philippiques, traduction Olivet, 1812.djvu/49

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fortune qui protège l’État ? Passons ce fait-là : aussi-bien est-il assez connu, et il y en a d’autre plus récens. Combien de fois, et depuis que je fus nommé au consulat, et depuis que je l’exerce, me suis-je vu en butte à vos coups ? Combien de fois, et avec quelles précautions ai-je évité des piéges si adroitement tendus, qu’ils paroissoient inévitables ? Vous n’entreprenez, vous n’exécutez, vous ne méditez rien, dont je ne sois informé dans le moment, et cependant toujours les mêmes projets, toujours de nouveaux efforts. Votre poignard, combien de fois vous l’a-t-on arraché ? Combien de fois, par je ne sais quel hasard, vous est-il tombé des mains ? Vous ne sauriez cependant vous en dessaisir, et il semble que vous l’ayez voué à je ne sais quelle divinité, qui vous oblige d’en percer le sein d’un Consul.

VII. En ce moment même, quel état que le vôtre ? Je vous en parle, non pas avec l’animosité qui me conviendroit, mais avec des sentimens de pitié que vous ne méritez point. Tout-à l’heure vous êtes venu au Sénat : dans une assemblée si nombreuse, où vous avez tant d’amis, tant de parens, quelqu’un vous a-t-il salué ? Si c’est là un affront, qui, avant vous, ne se fit jamais à personne, attendez-vous qu’on s’explique à haute voix ? Rien de si fort contre vous que ce silence qu’on a gardé. Et d’où vient qu’à votre arrivée, pas un Sénateur n’a voulu être assis près de vous ? Quand vous avez pris place, vous avez vu s’éloigner tous ces anciens Consuls, dont vous aviez tant de fois conspiré la mort.