Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/145

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ceux de Chélidon qu’aux vœux du peuple romain, lui fit obtenir le département de la ville. Vous allez juger, par son début, quelle jurisprudence il y établit.

XLI. P. Annius Asellus vint à mourir sous la préture de C. Sacerdos. Comme il avait une fille unique, et qu’il n’était point inscrit sur les registres du cens avant sa mort, il fit ce que lui commandait la nature, et ce que ne lui défendait aucune loi ; il institua sa fille sa légataire universelle. Elle était héritière naturelle, et avait tout en sa faveur, les lois, l’équité, la volonté d’un père, les édits des préteurs, la jurisprudence en usage à l’époque où mourut Asellus ; Verrès était préteur désigné : était-il averti, avait-on voulu l’éprouver, ou n’est-ce que l’effet de cette sagacité odieuse qui, sans guide, sans trace quelconque, l’a conduit naturellement à cet acte inique ? je l’ignore ; qu’il vous suffise de connaître l’audace et l’aveuglement de cet homme. Il s’adresse à L. Annius, qui devait hériter au défaut de la jeune fille ; car on ne me persuadera pas qu’il ait été d’abord sollicité par lui : il le prévient que, par un édit, il peut lui faire présent de la succession, et lui indique la conduite qu’il doit tenir. L’un trouvait la chose bonne à prendre, l’autre, bonne à vendre. Celui-ci, malgré son audace, ne laissait pas d’envoyer en secret chez la mère de la pupille. Il aimait encore mieux recevoir pour ne rien innover dans ses ordonnances que pour porter un édit si odieux et si révoltant. Mais les tuteurs n’osaient donner de l’argent au préteur sur les biens de leur pupille, surtout une somme considérable, ne voyant pas de quelle manière ils pourraient la faire entrer dans leurs comptes, et la distraire de l’héritage sans se compromettre : ils ne pouvaient non plus croire à tant de perversité. Sollicités à diverses reprises, ils persistèrent dans leur refus. Excité alors par celui à qui il abandonnait une succession arrachée à des enfants, il rend ce décret dont vous allez connaître toute l’équité : « Persuadé que la loi Voconia… » Qui aurait jamais pensé que Verrès se déclarât contre les femmes ? Ou s’il a rendu une ordonnance contre elles, ne serait-ce pas pour faire croire que Chélidon ne lui dictait pas tous ses édits ? Il veut, dit-il, prévenir la cupidité des hommes. Qui l’a mieux prévenue non seulement de nos jours, mais au temps de nos ancêtres ? Qui a montré autant de désintéressement ? Lisez, de grâce, tout le reste : j’aime fort la gravité de l’homme, sa science du droit, l’autorité de ses paroles : Quiconque, pendant et depuis la censure d’A. Postumius et de Q. Fulvius, a fait ou fera… a fait ou fera ! Qui a jamais publié un pareil édit ? qui a jamais décrété des peines, pour des crimes antérieurs à l’édit qui les punit et commis dans un temps où il était impossible de les prévoir ?

XLII. Suivant le droit, les lois, l’autorité des jurisconsultes, P. Annius avait fait un testament qui ne violait ni la justice, ni les devoirs de la nature et de l’humanité. Et quand il eût fait le contraire, était-ce une raison pour rendre un nouvel édit à propos de son testament ? La loi Voconia vous plaisait beaucoup, sans doute ? que n’avez-vous imité Q. Voconius lui-même, qui ne priva aucune fille, aucune femme des successions qui leur étaient dévolues, et ne permit de tester en leur faveur qu’à ceux qui auraient fait leur déclaration depuis la censure de Postumius ? Dans la loi Voconia, il n’y a point : a fait ou