Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/189

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secours ils vivront à l’abri de toute atteinte. Mais puisque dans les injustices faites à toute la province, se trouve comprise la cause de Sthénius ; puisque je défends en même temps un grand nombre d’hôtes et d’amis ou seuls ou avec leur ville, puis-je craindre qu’il vienne dans la pensée à personne que ma conduite n’est pas déterminée et comme forcée par le sentiment du devoir le plus sacré ?

XLVIII. Mais cessons enfin d’exposer la manière dont Verrès connaissait des affaires, les jugeait ou les faisait juger ; et, puisque ses actes en ce genre sont innombrables, mettons une mesure et une fin à notre discours et à nos accusations, et prenons quelques traits dans les autres genres.

Vous avez entendu Quintus Varius vous dire que pour lui obtenir le droit de défendre ses droits, ses intendants avaient donné à Verrès cent trente mille sesterces ; vous vous rappelez la déposition de Quintus Varius, et que le fait a été prouvé par la déposition d’un Romain illustre, C. Sacerdos ; vous savez que Cn. Sertius, M. Modius, chevaliers romains, et une foule de citoyens romains et siciliens ont dit avoir acheté de Verrès le droit de plaider. À quoi bon discuter sur ce chef d’accusation qui résulte tout entier de témoignages ? À quoi bon argumenter sur un fait dont il est impossible de douter ? Personne doutera-t-il que Verrès ait rendu en Sicile une justice vénale, lui qui, à Rome, a vendu tout son édit et tous ses décrets ? qu’il ait reçu de l’argent des Siciliens pour les juger, lui qui en a demandé à M. Octavius Ligur pour lui permettre de plaider ? Est-il, en effet, un moyen d’extorquer de l’argent que Verrès ait négligé ? En est-il quelqu’un, inconnu de tous les autres préteurs, qu’il n’ait pas imaginé ? Est-il dans les villes de Sicile une position recherchée, une commission, un office, auxquels soit attaché de l’honneur ou du pouvoir, dont vous n’ayiez fait pour vous un objet de lucre, et de négoce pour les autres ?

XLIX. On a entendu dans la première action les témoignages des particuliers et des villes : les députés de Centorbe, d’Halèse, de Catane, de Palerme, ont déposé devant vous, ainsi que ceux de beaucoup d’autres villes, et même un grand nombre de particuliers : et vous avez pu connaître par leurs témoignages que, dans toute la Sicile, durant trois années, pas un seul sénateur, dans aucune ville, n’a été élu gratuitement ; pas un ne l’a été par les suffrages, comme le portent leurs lois ; pas un, sinon en vertu d’un ordre ou d’une lettre de Verrès ; et que, dans le choix de tous ces sénateurs, loin de prendre les suffrages, on n’a pas même examiné les classes où doit se recruter cet ordre : ni le cens, ni l’âge, ni les autres droits des Siciliens n’ont été respectés. Quiconque voulait devenir sénateur, fût-ce un enfant, une personne indigne, fût-il d’une famille exceptée par la loi, si son or l’en rendait digne aux yeux de Verrès, il l’est toujours devenu ; en cela, Verrès n’a obtempéré ni aux lois des Siciliens, ni aux lois du sénat et du peuple romain. Car les lois que prescrit à nos alliés et à nos amis celui qui tient du peuple romain le commandement, et du sénat le pouvoir de donner des lois, doi-