Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/199

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fugier ? sur qui vous appuyer ? Vous venez de nous présenter comme vous étant contraire, tout un corps composé d’hommes très riches et de personnages distingués, Siciliens et citoyens romains : que diriez-vous maintenant des villes de la Sicile ? Direz-vous que les Siciliens sont vos amis ? le pourrez-vous dire ? Jusqu’à ce jour, les Siciliens ne s’étaient jamais permis de témoigner au nom des villes contre aucun de nos magistrats, quoique tous les préteurs de Sicile mis en jugement eussent été condamnés, excepté deux et ces mêmes Siciliens accourent tous aujourd’hui avec des lettres, avec des instructions, avec des témoignages de leurs villes. S’ils faisaient publiquement votre éloge, ce serait plutôt par habitude que parce que vous le méritez ; mais, en se plaignant de vous au nom des villes, ne montrent-ils pas que vos vexations ont été si criantes qu’ils se sont écartés de leurs principes de modération, plutôt que de ne pas s’élever contre vos odieuses pratiques ? Il vous faut donc nécessairement en convenir : les Siciliens sont vos ennemis, eux qui ont présenté contre vous aux consuls les requêtes les plus sévères, qui m’ont supplié de me charger de leur cause, et de plaider pour le salut de la Sicile ; eux qui, malgré les défenses du préteur, les oppositions de quatre questeurs, ont bravé toutes les menaces et tous les périls pour venger et sauver la province ; eux qui, dans la première plaidoirie, ont déposé contre Verrès avec tant de force et de chaleur, qu’Hortensius se plaignait qu’Artémon, député de Centorbe, déposant au nom de sa ville, était accusateur plutôt que témoin. Les concitoyens d’Artémon l’avaient nommé député avec Andron, personnage distingué et digne de foi ; ils l’avaient choisi pour son éloquence, non moins que pour sa vertu et son intégrité, le croyant capable d’exposer devant vous, de la façon la plus complète et la plus claire, les mille vexations du préteur.

LXV. Les députés d’Halèse, de Catane, de Tyndare, d’Enna, d’Herbite, d’Agyrone, de Nétum, de Ségeste, ont déposé contre lui. Il n’est pas nécessaire de nommer toutes les villes : vous savez quelle foule de témoins ont déposé dans la première plaidoirie, et sur combien d’articles ; les mêmes et d’autres encore déposeront bientôt. Tout le monde enfin verra, dans cette cause, que les Siciliens sont disposés, si on ne sévit pas contre Verrès, à abandonner leurs maisons et leurs demeures, à quitter la Sicile, à fuir dans un autre pays. Et vous nous persuaderez, Verrès, que de tels hommes ont fourni volontairement des sommes immenses pour ajouter à vos honneurs et grossir vos distinctions ! Oui, sans doute, ces peuples, qui ne supporteraient pas de vous voir en vie dans votre propre ville, désiraient de perpétuer dans les leurs vos traits et votre nom. L’événement a montré combien ce désir était vif : car je vois que, depuis longtemps, pour établir si les Siciliens vous ont érigé des statues librement ou par force, je recueille trop minutieusement les preuves de leurs dispositions à votre égard. De quel homme a-t-on entendu raconter ce qui vous est arrivé à vous, que dans une province, des statues qui lui avaient été élevées dans les places publiques, et jusque dans les temples, aient été renversées avec violence par