Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/20

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parlez enfin. Quel est le dissipateur, le prodigue, qui, je ne dis pas après avoir consommé tout son bien, mais encore dans l’abondance, eût été aussi insouciant que Sextus Névius ? Or, nommer Sextus Névius, il me semble que c’est tout dire. Caius Quintius vous devait, vous ne lui avez jamais rien demandé. Il meurt ; son bien passe à son héritier ; vous voyez celui-ci tous les jours, et c’est au bout de deux ans que vous parlez pour la première fois. Demandera-t-on lequel est le plus vraisemblable, ou que Nevius, s’il était vraiment créancier, l’eut déclaré sur-le-champ, ou qu’il fût resté deux années sans même en parler ? — On n’a pas trouvé le moment d’aborder cette question. — Mais Publius a vécu avec vous plus d’un an. — On ne pouvait pas suivre l’affaire dans la Gaule.— Mais on rendait la justice dans cette province, et il y avait des tribunaux à Rome. Non ; vous ne pouvez avoir été retenu que par une extrême négligence, ou par une générosité sans exemple. Direz-vous que c’est négligence, nous en serons surpris ; bonté, nous en rirons. Je ne vois pourtant pas quelle autre chose vous pouvez dire. Il est assez prouvé qu’il n’est rien dû a Névius, puisqu’il a été si longtemps sans rien demander.

XIII. Et si je fais voir que sa conduite actuelle est une nouvelle preuve qu’il ne lui est rien dû ? Que fait maintenant Sextus Névius ? sur quoi roule la contestation ? quelle est cette procédure qui nous occupe depuis deux ans ? quelle est cette affaire pour laquelle il fatigue la patience de tant de graves personnages ? Il demande de l’argent. Quoi ! maintenant ? Mais enfin il en demande ; écoutons-le. — Il veut discuter les comptes et régler les différends de la société. — C’est un peu tard ; mais il vaut mieux tard que jamais : d’accord.— Non, dit-il, ce n’est pas là ce que je veux ; ce n’est pas de cela que je suis en peine aujourd’hui. Depuis longues années, Publius Quintius se sert de mes fonds : qu’il s’en serve ; je ne les redemande pas. — Pourquoi donc cet acharnement ? Voulez-vous, comme vous l’avez dit plusieurs fois, qu’il soit retranché de la société ? qu’il perde le rang qu’il a soutenu jusqu’ici avec honneur, qu’il cesse de compter au nombre des vivants ? qu’il dispute ici sa vie et tout ce qui peut y ajouter du prix ? qu’il parle le premier devant son juge, et qu’il n’entende, que lorsqu’il n’aura plus rien à dire, la voix de son accusateur ? Eh ! quel est donc votre but ? De rentrer plus tôt dans ce qui vous appartient ? mais si vous l’aviez voulu, la chose serait faite depuis longtemps. D’occuper dans ce combat le poste le plus honorable ? mais vous ne pouvez, sans une impiété horrible, immoler Publius Quintius, votre parent. De faciliter la décision, mais G. Aquillius n’est pas jaloux de prononcer sur la vie d’un citoyen ; et Q. Hortensius n’a pas l’habitude de poursuivre à mort ses adversaires. Nous, de notre côté, Aquillius, que disons-nous ? Il demande de l’argent ; nous soutenons ne lui en devoir pas. Il veut que le jugement se prononce sans retard ; nous ne demandons pas mieux. Que faut-il encore ? S’il appréhende que la sentence rendue ne soit pas exécutée aussitôt, je lui offre caution. Qu’à son tour il me donne caution dans les mêmes termes qu’il la recevra de moi. Tout peut être fini en un instant, G. Aquillius. Vous pouvez quitter l’audience, débarrassé d’une affaire, j’oserai le dire, presque aussi pénible pour vous que pour Publius. Eh bien ! Hortensius, que dirons-nous de cette proposition ? croyez-vous que nous ne puissions point déposer des armes meurtrières, et discuter nos intérêts sans mettre en péril l’état de