Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/206

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chez L. Vibius, un des premiers de l’ordre équestre, qui se trouvait avoir été chef l’année même où je voulais faire des recherches. Je le surpris sans qu’il m’attendît. Je fouillai, je cherchai partout où je pus. Je ne trouvai que deux mémoires envoyés à la ferme par Canuléius du port de Syracuse : on y voyait un compte de plusieurs mois, d’effets transportés au nom de Verrès, sans acquit de droits. J’y mis le scellé à l’instant. Ces pièces étaient du genre de celles que je désirais surtout retrouver dans les papiers de la compagnie ; il suffit de deux, juges, pour servir d’exemple. Le peu qu’il y aura dans ces mémoires sera du moins évident : vous pourrez par là conjecturer du reste. Greffier, lisez le premier mémoire ; vous lirez ensuite le second. Mémoires de Canuléius. Je ne vous demande pas encore, Verrès, d’où vous avez eu quatre cents amphores de miel, une si grande quantité d’étoffes de Malte, cinquante lits de salle à manger, un si grand nombre de candélabres ; je ne vous demande pas, dis je, d’où vous avez eu tout cela : je vous demande ce que vous en vouliez faire. Passe encore pour le miel ; mais pourquoi une si grande quantité d’étoffes de Malte ? était-ce pour en parer les femmes de vos amis ? Pourquoi tant de lits ? était-ce pour en orner leurs maisons de plaisance ?

LXXV. Vous voyez, Romains, dans ces mémoires, le compte de quelques mois ; imaginez, si vous pouvez, quels étaient ceux de trois années entières. Je soutiens que, d’après ces courts mémoires trouvés chez un seul chef de la compagnie, vous pouvez conjecturer quel brigand Verrès était dans sa province, combien sa cupidité était infinie, sur combien et quelle diversité d’objets elle s’étendait ; quelle fortune il s’est acquise, non seulement en argent monnayé, mais en mille effets de différente nature. Je vous l’expliquerai plus clairement ailleurs ; maintenant, remarquez ceci : Canuléius évalue à soixante mille sesterces les droits de vingtième que Verrès n’a point payés à la douane de Syracuse pour les effets exportés dont on vient de lire le compte. Ainsi, en très peu de mois, comme l’annoncent ces feuilles de si peu d’importance, les vols du préteur, exportés d’une seule ville, montaient à un million deux cent mille sesterces. La Sicile ayant de tous les côtés des sorties par la mer, calculez les exportations qu’il aura faites, d’Agrigente, de Lilybée, de Palerme, de Thermes, d’Halèse, de Catane, de tant d’autres villes, et surtout de Messine ; Messine, qu’il regardait comme son lieu de sùreté ; Messine, où il vivait si tranquille et si libre de soucis, et qu’il avait choisie pour y transporter tout ce qui méritait d’être gardé avec le plus de soin, ou qu’il fallait faire passer ailleurs avec le plus de secret. Lorsque j’eus trouvé ces mémoires, on écarta et on cacha plus soigneusement les autres ; mais afin de montrer que ce n’était point la passion qui me faisait agir, je me suis contenté de ceux que j’avais.

LXXVI. Nous allons maintenant revenir aux registres de dépense et de recette de la compagnie, qui ne pouvaient être supprimés honnêtement ; nous allons revenir à votre ami Carpina-