par les rapports les plus intimes, a manqué, dites-vous, a un ajournement. Deviez-vous aller aussitôt devant le préteur ? étiez vous fondé à demander sur l’heure la mise en possession de ses biens. Vous vous hâtiez donc de recourir à cette rigueur extrême, à cette dernière ressource de la haine, afin de ne pouvoir plus rien ajouter ensuite à de si odieuses, à de si cruelles persécutions ? Que peut-il en effet arriver à un homme de plus humiliant, de plus malheureux, et de plus déplorable ? Peut-on subir une pareille ignominie, éprouver une si affreuse catastrophe ? Que la fortune ait dépouillé un citoyen de ses biens, ou que l’injustice les lui ait ravis ; si sa réputation est sans tache, l’honneur le console de la pauvreté. Tel autre, déshonoré dans l’opinion, ou flétri par un jugement, jouit encore de ce qu’il a, et n’est pas réduit à la dure nécessité d’implorer des secours étrangers : c’est au moins une ressource, un adoucissement à l’excès de ses maux. Mais celui dont on a vendu les biens, celui qui a vu sa fortune tout entière, sans en excepter ce qui est indispensable pour vivre et se vêtir, livrée par la voix du crieur à l’ignominie d’un encan, celui-là n’est pas seulement retranché du nombre des vivants ; il est rabaissé, si cela est possible, au-dessous même des morts. En effet, un trépas honorable couvre souvent de sa gloire une vie honteuse ; une vie honteuse ne laisse pas même l’espoir d’un trépas honorable. Aussi la saisie, mise juridiquement sur les biens d’un infortuné, frappe en même temps son honneur et sa réputation. Celui qui voit sa honte écrite aux lieux les plus fréquentés de la ville, ne peut pas même périr dans l’obscurité et le silence. Celui auquel la loi donne des syndics et des maîtres, pour lui dicter les conditions de sa ruine, celui dont le crieur proclame le nom et met les propriétés à l’enchère, assiste, tout vivant qu’il est, à ses propres funérailles, si l’on peut appeler ainsi cette scène de pillage, où, au lieu d’amis rassemblés pour honorer sa mémoire, il n’accoure que d’avides acheteurs, qui viennent comme des bourreaux se disputer entre eux les restes de son existence.
XVI. Aussi nos ancêtres ont-ils voulu que ce spectacle fût rarement donné ; les préteurs ont mis à ce droit rigoureux de sages restrictions ; les gens de bien n’en usent que pour déjouer une fraude évidente, et qui échapperait aux poursuites ordinaires. Encore ne s’y décident-ils qu’à regret et avec une lenteur circonspecte. Il faut qu’une impérieuse nécessité les y contraigne, que le débiteur, en faisant défauts sur défauts, ait pris plaisir à se jouer de leur attente. Ils réfléchissent aux conséquences d’un acte par lequel on dépouille son semblable. Oui, l’honnête homme se refuse à immoler un citoyen, même avec justice. Au lieu de cet odieux souvenir : « Je l’ai perdu pouvant l’épargner, » il aime mieux pouvoir rappeler qu’il l’a épargné, quand il pouvait le perdre. Voilà ce que font envers des étrangers, envers de mortels ennemis, ceux qui respectent l’opinion publique, et se souviennent qu’ils sont hommes aussi. Ils ne causent jamais volontairement le malheur de personne, afin que personne n’ait à exercer contre eux de justes représailles. — Il a manqué de comparaître. — Qui ? votre parent. Cette conduite peut être fort blâmable en elle-même ; cependant le nom de parent en diminue l’odieux. — Il n’a pas comparu. — Qui ? votre associé. Vous devriez pardonner un tort plus