Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/234

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Les territoires les plus étendus, les plus fertiles, le préteur les pillait lui-même, c’est-à-dire, par le ministère d’Apronius, de cet autre Verrès. Pour les villes de moindre importance, il avait de légères meutes, des voleurs subalternes qu’il lâchait, et à qui on était contraint de donner du blé ou de l’argent.

XXXVII. A. Valentius est interprète en Sicile. Il servait moins à Verrès d’interprète pour la langue grecque que de ministre pour ses vols et ses infamies. Ce vil et indigent personnage devient tout à coup décimateur. Il prend les dîmes du territoire de Lipare, territoire sec et aride, pour six cents médimnes de blé. On mande les Lipariens ; on les force de prendre eux-mêmes les dîmes, et de compter à Valentius trente mille sesterces[1] comme bénéfice. Au nom des dieux, Verrès, que direz-vous pour votre défense ? direz-vous que vous aviez adjugé les dîmes pour si peu, que la ville ajoutait d’elle-même aux six cents médimnes un bénéfice de trente mille sesterces, c’est-à-dire, deux mille médimnes de blé ? ou bien que vous aviez porté très haut l’adjudication des dîmes, et forcé les Lipariens de donner cette somme ? Mais pourquoi vous demander ce que vous alléguerez pour votre défense, plutôt que d’apprendre de la ville même la vérité du fait ? Lisez la déposition des députés de Lipare, et ensuite comment la somme a été remise à Valentius. DÉPOSITION. REGISTRES PUBLICS OÙ EST PORTÉE LA SOMME REMISE. Quoi donc, Verrès ! une ville si pauvre, si éloignée de vos yeux et de vos mains avides, séparée de la Sicile, placée dans une petite île inculte, déjà accablée par vos horribles vexations, a-t-elle encore été pour vous dans l’article des blés une proie et un butin ? Cette île que vous aviez abandonnée tout entière à un de vos compagnons de plaisir, en lui faisant des excuses sur la modicité du présent, on exigeait donc aussi d’elle des additions au marché dans les baux des dîmes, comme des villes de l’intérieur de la province ? Ainsi, les Lipariens qui, avant votre préture, et pendant tant d’années, rachetaient leurs petits champs des pirates, ont été forcés de les racheter de vous-même à prix d’argent !

XXXVIII. Et la ville de Tissa, qui est si petite et si pauvre, mais dont les habitants sont des laboureurs si actifs et si économes, ne leur a-t-on pas enlevé, à titre de bénéfice, plus de blé qu’ils n’en avaient cultivé ? Vous leur avez envoyé pour décimateur Diognote, esclave de Vénus, nouvelle espèce de fermier public. Pourquoi, à Rome, d’après l’exemple de Verrès, ne faisons-nous pas aussi entrer les esclaves publics dans l’administration des impôts ? La seconde année, les habitants de Tissa sont obligés de donner, malgré eux, un autre bénéfice de vingt et un mille sesterces[2]. La troisième année, ils ont été forcés d’en donner un de trois mille médimnes de blé à Diognote, cet esclave de Vénus. Et ce Diognote, qui tire des impôts publics de si grands bénéfices, n’a aucun esclave à lui, n’a pas le moindre pécule. Doutez encore, Romains, si vous pouvez, doutez si un esclave de Vénus, appariteur de Verrès, a reçu pour lui-même une si grande quantité de blé, ou se l’est fait donner pour son maître. La déposition des habitants de Tissa va vous convaincre de ces faits. DÉPOSITION DE LA VILLE DE TISSA. Est-il douteux,

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