Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/25

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lui. Celui qui aura quitté son domicile pour aller en exil. Assurément ce n’est pas lui. L’absent qui n’aura pas été défendu en justice… Dans quel temps et comment, Névius, croyez-vous que Publius absent dût être défendu ? Quand vous requériez la saisie ? Personne ne s’est présenté ; car personne ne pouvait deviner ce que vous alliez faire. Et d’ailleurs nul n’avait à réclamer contre une sentence où le préteur disait, non pas de faire la saisie, mais de la faire aux termes de son édit. Quand donc le fondé de pouvoir a-t-il eu, pour la première fois, occasion de défendre l’absent ? Est-ce lorsque vous affichiez l’envoi en possession ? Eh bien ! il s’est présenté ; il s’est opposé à votre entreprise : Alphénus a ôté vos affiches ; le représentant de Publius a fait avec le plus grand zèle le premier acte qu’exigeait son devoir. Voyons la suite. Vous arrêtez sur la voie publique un esclave de Publius, vous cherchez à l’emmener : Alphénus ne le souffre pas ; il vous l’arrache de force ; il le fait reconduire chez son maître. En cela encore il a rempli le devoir d’un procureur zélé. Vous dites que Publius vous doit ; son procureur le nie. Vous proposez un ajournement ; il l’accepte. Vous l’appelez devant le préteur ; il s’y rend. Vous demandez des juges ; il n’en refuse pas. Si ce n’est pas là défendre un absent, je n’y conçois plus rien. Mais quel était ce procureur ? Peut-être un homme sans aveu, sans ressource, sans foi, un plaideur de profession, un homme capable d’endurer les insultes journalières d’un bouffon parvenu. Rien moins que cela. C’était un chevalier romain, riche, et qui savait faire valoir ses grands biens ; c’était enfin celui à qui Névius a laissé dans Rome le soin de ses affaires, toutes les fois qu’il a fait le voyage de la Gaule

XX. Et vous osez, Névius, soutenir que Publius absent n’a point été représenté, quand il l’a été par celui que vous preniez ordinairement vous-même pour votre représentant ! L’homme entre les mains de qui vous remettiez en partant vos intérêts et votre honneur a offert d’être jugé pour Publius, et vous prétendez que personne n’a comparu pour le défendre en justice. Je demandais, dit-il, que l’on donnât caution. — Vous aviez tort de le demander. — On vous ordonnait de le faire. — Alphénus s’y refusait. — Mais le préteur avait prononcé. — Aussi avait-on recours aux tribuns. — Ici je vous tiens, s’écrie-t-il : ce n’est pas vouloir être jugé, ni soutenir une cause en justice, que d’en appeler aux tribuns. — Quand je pense aux lumières d’Hortensius, je ne crois pas qu’il me fasse cette objection ; mais quand j’entends dire qu’il l’a déjà faite, et que j’examine la cause en elle-même, je ne vois pas quelle autre chose il pourrait alléguer. Il avoue qu’Alphénus a enlevé les affiches, consenti un ajournement, accepté le débat judiciaire aux termes que proposait Névius, sans toutefois renoncer aux privilèges de l’usage, et à l’appui des magistrats établis pour protéger les citoyens. Il faut, ou détruire la vérité de ces faits, ou qu’au mépris de son serment, un juge tel qu’Aquillius établisse une nouvelle jurisprudence, et prononce qu’un absent n’est pas défendu, lorsque son fondé de pouvoir s’est déclaré prêt a suivre le demandeur devant tous les tribunaux ; qu’il ne l’est pas, quand ce fondé de pouvoir a osé, du préteur, en appeler aux tribuns ; qu’alors on peut légalement s’emparer de ses biens ; qu’alors il est juste de plonger dans l’opprobre et la misère un infortuné, un absent, qui vit dans une profonde ignorance du malheur qui l’accable. Voilà quels